[Récit - Croisade et religion] Âmes brisées

Theme: Croisade et Religion

Âmes brisées
Requiem - Mozart

Un adage qui n'a rien de bien original dit qu'il faut garder ses amis près de soi et ses ennemis encore plus près. Etait-ce un bon conseil ou une idée saugrenue ? Il ne faisait néanmoins pas de doute que j'en avais longuement profité au cours de ma carrière dans l'Ordre des Chevaliers de Sang. Qu'est-ce qui pouvait bien inciter les pontes de cette faction à conserver dans ses rangs un Paladin, un vrai Paladin servant la Lumière et les considérant avec mépris, une contestataire du système, une criminelle qui aurait dû être exécutée pour l'exemple ? Même si j'en jouais depuis maintenant bien longtemps, je savais bien qu'un piège finirait un jour par se refermer sur moi... Et ce n'était pas le piège que j'attendais.
- Chevalier Sérindë Calaheraë, vous me faites ainsi l'honneur de votre présence ?
Ton acide et ironique. La matriarche des Chevaliers de Sang était de toute évidence parfaitement au fait de mon arrogance vis à vis des faux Paladins. Je me contentai d'un salut militaire professionnel, préférant conserver une forme de neutralité dans notre entrevue.
- Il ne se passe pas une journée sans que je n'entende parler de vos... exploits. Vous savez, nombreux sont ceux qui n'ont jamais compris que votre écuyère ait pu devenir un Chevalier si émérite.
- C'est parce qu'ils se fient aux racontars Matriarche. Ceux qui ont réellement travaillés à mes côtés et ne se laissent pas dévorer par la jalousie vous diront la vérité.
- Qui est ...?
- Que je suis la meilleure. Et c'est pour cela que vous m'avez faite venir ici, affirmai-je sans ciller une seconde.
Le regard courroucé de la matriarche me fit tant frémir qu'il me fut bien difficile de dissimuler la monter d'adrénaline qui suivit l'affront que je venais de faire. Finalement, la neutralité n'avait pas tenu bien longtemps. Je n'avais jamais été très forte pour contenir mon impertinence.
- Pourquoi croyez-vous être ici Chevalier ? interrogea calmement la Sin'dorei.
- Je n'en suis pas certaine mais je penche pour votre curiosité. Vous ne comprenez pas comment une servante de la Lumière, une représentante d'une Foi dépassée, fondée sur la superstition, définitivement réservée aux idiots ou faibles d'âme, peut s'avérer être l'un de vos meilleurs éléments.
- C'est là que vous faites erreur Chevalier Calaheraë. Vous êtes une Calaheraë et vous êtes tout simplement talentueuse, il n'y a aucun mystère. Votre unique faiblesse est de croire que c'est la lumière qui vous accorde ce qui a toujours été dans votre Sang.
Je pinçai les lèvres. J'aurais pu contester mais à quelle fin ? Je n'avais certes pas espoir de faire changer l'avis d'une ancienne prêtresse qui avait trahit sa Foi et mettait chaque jour un peu plus d'acharnement à la détruire. La femme croisa les doigts, trop calme à mon goût, pas assez agressive.
- J'ai décidé de vous recommander pour le titre de Champion... personnellement.

* * *

La boue était épaisse et rouge, la marche pénible, longue et épuisante. Les Maleterres étaient très éprouvantes pour qui que ce soit. Un environnement malsain et suffoquant, inspirant la mort et la corruption. Le danger y était omniprésent en plus d'éreintant. Il n'était pas si facile de motiver les dix chevaliers de sang que j'avais sous mes ordres... L'aide de Synwyn et de Timae n'était pas de trop dans cette mission périlleuse.
Durant chaque instant de ce voyage, j'avais réfléchi à l'entretien avec la matriarche... Quel était le piège ? Simplement aller chercher un artefact ? Non, elle avait prévu autre chose, très probablement. C'était un test pour ma loyauté, on ne devenait pas Champion si facilement... ou si ? Tout cela cachait forcément quelque chose. Je doutais que ces hommes et femmes aient été mis sous mes ordres uniquement pour m'aider, ils étaient là pour témoigner, m'obliger, me tuer ?
Mon esprit faisait des noeuds chaque nuit alors que je me blottissais discrètement contre Syny. C'était pour cela que je lui avais demandé de venir... j'avais besoin de sa présence pour me protéger de moi-même, de mes faiblesses, elle était garante que je ne laisserais aucune embuscade corrompre ma vertu et ma Foi. Le résultat de cette mission pouvait avoir une importance majeur. Si un vrai Paladin devenait Champion de l'Ordre, alors tout pourrait changer. J'avais ce profond espoir. Quel que soit le piège qui m'attendait, je devais vaincre, accomplir ma mission et en ressortir aussi pure que j'y étais entrée.
- Ma Dame... et s'ils nous envoyaient nous faire tuer ?
Timae n'était plus mon écuyère. Ce n'était pas comme subordonnée que je l'avais prise dans cette mission mais comme aide... et parce que j'avais toute confiance en sa loyauté et ses talents.
- Ne t'inquiètes pas Timae, ils m'ont envoyée me faire tuer tant de fois en vain... ils savent que c'est peine perdue. Non, ce n'est pas notre mort qu'ils attendent.
J'esquissai un sourire, peut-être légèrement triste. Quelque part, Timae était un échec de plus dans ma carrière... elle était devenue une guerrière redoutable, un Chevalier noble et honorable mais... il lui manquait ce qui aurait pu faire d'elle un Paladin...

* * *

- Pavois levés ! Marchez !
Nous étions dans la place. Après une entrée discrète, nous avions réussi à rallier notre objectif, malheureusement celui-ci était déjà assiégé par le Fléau. Lorsque le moment fut venu de combattre, nous avançâmes sous les traits, magiques ou non, de l'ennemi, à l'abri derrière nos boucliers. Rodés à la bataille, nous encaissions les chocs multiples et violents en progressant inexorablement vers les créatures trépassées.
- Arme en main !
Au contact, avec une coordination remarquable, le premier rang de chevaliers balaya le front ennemi. Chaque soldat fracassa du crâne d'un grand coup de pavois, noyant alors la foule adverse sous les châtiments divins et autres exorcismes. Les mort-vivants repoussés à quelques mètres, les Sin'dorei plantèrent leur bouclier dans le sol branlant pour se munir de leurs armes à deux mains, prêts à charger dans la masse grouillante.
- Quel'Thalas !
Craquement d'os, gémissement damnés, grognements de douleur, la "fausse Lumière" frappait avec autant de certitude que la Foi. Alors que je découpais du cadavre sous la bienveillante protection de Synwyn, je ne pouvais m'empêcher de n'y rien comprendre. A quoi jouait la Lumière ? Pourquoi se laissait-elle ainsi abuser par de simples mortels ? Elle devait forcément avoir un plan quelque part, elle ne pouvait pas se laisser ainsi manipuler comme une bête marionnette sans avoir une très bonne raison...
Un mort, un blessé relativement grave et quelques dégâts légers. Le bilan était bon au vue de ce que nous avions affronté. Timae avait reçu un mauvais coup à l'épaule mais elle était en état de poursuivre... De toute façon, nous étions face à notre objectif... Une chapelle de la Lumière, perdue en plein Stratholm, la dernière parcelle de pureté en ce lieu maudit.

- Attendez-moi ici... ça ne devrait pas être long...
Inquiète mais déterminée, je pénétrai dans le lieu de culte. L'endroit était petit, exigu même, et pourtant tellement rassurant. Un vrai sanctuaire.
- Vous avez protégé ce lieu, soyez béni Paladin... Comment puis-je vous remercier d'être venue en aide au dernier bastion de la Lumière sur ces terres maudites ?
Un vieil humain était venu se présenter à moi sitôt que je fus entrée. Le regard empli de reconnaissance, le sourire placide et bienveillant, cet ermite était probablement un prêtre. Sur une table à proximité s'élevait une imposante flamme... si pure... Je ressentais sa toute puissance rien qu'en la contemplant. Juste en dessous d'elle... ce que j'étais venue chercher... une gemme... si noire... Comme si elle absorbait et condensait en elle toute l'ombre qui pourrait tenter de s'infiltrer dans cet endroit saint...
- Avoir sauvé votre chapelle est en soit une récompense suffisante, Humain... mais je suis venue pour autre chose. J'ai besoin de ceci... expliquai-je en indiquant la pierre du menton.
- Mais... C'est impossible Paladin. Cette pierre doit rester là où elle se trouve. Il en va de l'avenir de cette Chapelle. La flamme doit être accompagnée de la gemme. La gemme ne peut être retirée de son écrin que si la flamme est éteinte. Et ceci serait la mort de ce sanctuaire.
Etait-ce cela le piège ? Cela me semblait bien vulgaire... Je n'avais qu'à revenir bredouille. Il n'était pas question que je profane ce lieu. De toute manière, j'aurais été bien incapable d'éteindre une flamme aussi sacrée...
- N'ayez point d'inquiétude alors, vieil homme... J'ai dû faire erreur. La Lumière vous garde.
Alors que je tournais les talons, je tombai nez à nez avec Timae. Elle paraissait terrifiée.
- Ma Dame, je dois vous faire une confession... souffla-t-elle en me posant maladroitement une fiole dans les mains. J'ai ma propre mission ici...
- Explique-moi Timae... demandai-je en regardant la fiole avec méfiance.
- Je devais éteindre la flamme de cette Chapelle, pour frapper le culte de la Lumière et lui prouver notre supériorité. Cette fiole contient son "poison".
J'eus une légère moue, triste, presque résignée... Je savais que Timae était un échec...
- Que vas-tu faire alors ?
- Rien... Je ne veux pas le faire...
Je rougis. Mon coeur fut vite étouffé de honte. Timae était tout sauf un échec...
- Désolée d'avoir douté de toi Timae...

La conversation n'eut pas le temps de se prolonger que nous entendions crier à l'extérieur. Nous étions attaqués ! Alors que mon ancienne écuyère et moi-même sortions de la chapelle, nous vîmes toute une patrouille de la Croisade Ecarlate fondre sur nos compagnons chevaliers. Que pouvaient-ils bien faire ici ?!
Bien vite, la confusion fut totale. Rouge contre rouge, Lumière contre Lumière... dans cette foule il devenait difficile de savoir qui était ami de qui était ennemi. Mais je n'avais qu'une préoccupation... Syny était en plein coeur de cette mêlée. Me jetant dans la fosse, tentant tant bien que mal d'organiser la défense dans cette attaque surprise, je ne parvenais plus à me concentrer efficacement. Je ne savais que trop ce qui arrivait à un prêtre trop exposé... Il était toujours la cible prioritaire de tout adversaire intelligent.
Alors que je hurlais son nom en la cherchant, mon épée bâtarde venant d'arracher un quelconque membre d'un quelconque soldat écarlate dans une grande gerbe de sang, je sentis mon coeur s'arrêter. Synwyn venait de prendre un coup de gantelet en plein visage, encore un peu sonnée, elle ne put réagir alors qu'un croisé lui enfonçait sa lance en pleine poitrine. Comme pour s'assurer qu'elle ne risquait d'invoquer aucune prière pour se soigner de son agonie, un autre lui coupa la gorge avant même qu'elle n'ait le temps de s'affaisser. Durant ces quelques secondes qui durèrent pour moi une éternité, je vis ma tendre Syny s'agiter de soubresauts de douleur et d'horreur alors que le croisé lui écrasait le ventre de sa botte pour extirper la lance de son sternum.
Folle de rage et de désespoir, je priais pour Synwyn, en vain. Elle était morte, trop brutalement tuée pour que j'y puisse quoi que ce soit. Même avec l'aide de Timae, ce fut peine perdue. Pourtant, entre chaque moulinet d'épée, je ne pouvais m'empêcher d'insister... Ce ne fut que lorsque je vis ce flash de lumière aveuglante et l'ange de rédemption apparaître que j'admis... que tout était fini.
Des cris de surprise s'élevèrent chez les Ecarlates qui battirent soudain en retraite, effrayés de voir un ange de rédemption, un être pourtant fondamentalement sacré, aux côtés de ces créatures impies Sin'dorei. Ceci ne me frappa pas, la raison m'avait quittée. Je regardai avec haine les Chevaliers de Sang.
- Vous deviez la protéger ! Vous n'êtes que de pitoyables merdes !
- Ma Dame...!
- Ta gueule Timae ! Ils avaient un devoir ! Un devoir simple ! Ils n'en ont même pas été dignes ! Vous ne méritez rien ! Allez donc la rejoindre dans le Néant !
Le temps que les Sin'dorei comprennent ce qui se passait, l'un d'entre eux gisait déjà décapité au sol. Incontrôlable, je me jetais déjà sur le suivant, mon jugement d'autorité brisant son armure, laissant toute latitude à ma lame pour s'enfoncer dans ses côtes. Un coup de corseque, qui m'était destinée, fut détourné au dernier instant... par Timae... qui avait visiblement fini par choisir à qui allait sa loyauté. Le combat fut âpre mais court et d'une brutalité extrême. Epuisées et couvertes de sang elfique, nous étions conscientes que nous devions notre vie à la bienveillance et aux soins de la nouvelle incarnation de Synwyn.

Abaissant ma lame, les yeux plein de larmes, j'approchai de l'ange de rédemption... ses traits étaient ceux de ma bien aimée, ma souffrance n'en fut que plus exacerbée. Nos regards se croisèrent... bientôt elle disparaîtrait... pour toujours... Caressant sa joue d'une main tremblante, je vins poser mes lèvres sur les siennes dans le dernier baiser que nous n'échangerions jamais... J'aurais juré la voir pleurer elle aussi... puis elle s'en fut.
Je ravalai mes larmes et le essuyaient d'un revers de main rageur. J'entendais Timae gémir comme si elle était dans un autre monde, ce qu'elle disait à cet instant ne m'intéressait plus. Tout ressenti que j'avais était consacré à la haine comme pour me protéger d'une peine à laquelle je n'étais pas capable de survivre. Les Ecarlates qui avaient assisté à toute la scène, incrédules, avaient bien dû le comprendre, car même si nous étions à dix contre un, je vis la peur dans leurs yeux lorsque je me tournai vers eux.
- Vous avez assassiné un être pur... une prêtresse dévouée à la Lumière plus qu'aucun d'entre-vous ne le sera jamais... Une vraie croyante... Vous prétendez croire en la même chose qu'elle... Mais vous l'avez assassinée... La mort n'est pas un châtiment suffisant pour vous autres...
Mortellement décidée, je plantais là les croisés qui demeuraient immobiles, visiblement dépassés par ce qu'ils venaient de déclencher. Alors que j'entrais dans la chapelle et m'emparai de la fiole que j'avais laissée tomber au sol lors de l'attaque, le vieil homme était agenouillé devant l'autel, priant, comme si de rien était. Cela me mit hors de moi.
- Ma Dame ! Non ! Qu'allez-vous faire ?!
- Ce que nous sommes venues faire ici Timae. Il n'est pas question que tout ce gâchis soit inutile.
- Ma Dame ! Vous n'y pensez pas ! Vous ne pouvez pas faire une chose pareille ! Dame Stel...
- Ne prononce plus jamais son nom ! Et surtout, n'essaie jamais de me dire ce qu'elle aurait voulu ou non ! Elle a eu tort ! Toute sa dévotion, tout ce qu'elle a sacrifié et donné, tout cela, n'a servit à rien tout à l'heure lorsque nous avons tenté de la sauver ! La Lumière ne nous a pas permises de la ramener, la Lumière n'a pas été là, la Lumière nous a trahies ! Encore une fois ! Une fois de trop ! Alors nous allons la punir, la punir comme elle le mérite !
- Mais... ma Dame... et notre Foi...?
- "Notre" Foi ?...
Ainsi donc, Timae avait rejoint les rangs des vrais croyants... J'avais réussi... Le plus terrible dans tout cela, c'est qu'au moment où je l'appris, cela me laissa absolument froide... Ce qui aurait dû être l'une des plus grandes fiertés de ma vie n'eut alors... plus le moindre sens pour moi.

Je débouchai la fiole et me dirigeai vers la flamme quand le vieil homme s'interposa.
- Je ne peux pas vous laisser faire cela !
- Toi l'ancien, tu es comme tous ces prêtres, tu regardes, donnes des leçons, mais où es-tu quand ta présence est nécessaire... Tu es comme la Lumière, absent. Ta place est avec elle.
D'un geste vif, précis et fatal, j'écharpai le visage de l'homme de l'épée courte à mon coté, son cri se mêlant à l'exclamation d'horreur de Timae qui demeurait paralysée. Je lui jetai alors la fiole dans les mains.
- Accomplis ta part de la mission maintenant !
- Ma Dame, vous ne pouvez me demander cela je... Arrêtons cette folie !
- FAIS-LE !
Tremblante, Timae avança vers la flamme et versa le poison. Elle s'était remise à pleurer. J'attrapai la gemme noire alors que le feu se tarissait en tressaillant, comme un malade luttant pour ne pas être terrassé... en vain...
- Le sang ne devait pas couler dans le sanctuaire... la Flamme devait briller éternellement... grinça une voix éthérée.
L'instant d'après, la chapelle se mit à prendre feu alors qu'une dizaine d'âmes de Paladins s'éveilla sous la forme de spectres gardiens. A l'image de ceux qui arrivent trop tard, ils se jetèrent sur nous comme pour se prouver qu'à défaut de protéger le sanctuaire, ils tentèrent de tuer celles qui l'avaient profané.
- Retournez d'où vous venez ! Timae, défends-toi !
Au cours de cet affrontement, je ne sus plus vraiment si seul mon talent martial et la magie de mon épée eurent un rôle ou si j'eus recours à la lumière... à la manière d'un Chevalier de Sang... Je me souviens juste que je frappais sur chacun de ces fantômes comme s'il avait lui-même commandité la mort de Synwyn, déversant un flot de haine inextinguible une nouvelle fois. Ayant vaincu, j'entraînai Timae avec moi vers l'extérieur alors que la chapelle sombrait dans les flammes.
Dehors, ce couards d'Ecarlates nous attendaient, lances levées, prêts à nous accueillir, les bottes pourtant trempées de leur urine. Nous étions fourbues, en sang et en larmes, à leur merci mais il n'était pas question que cela finisse ainsi.
- Que croyez-vous faire, minables petits humains ?
Silence de mort. De toute évidence, tous ne rêvaient que de fuir au plus vite devant cette vision d'horreur, de deux chevaliers de sang féroces jaillissant des flammes du dernier bastion de leur Foi.
- Partez avant de les rejoindre dans le Néant vous aussi. Partez tant que je vous en donne le droit. Partez. Partez ! PARTEZ !
Les plus lâches craquèrent et prirent leurs jambes à leur cou. La couardise, comme toujours contagieuse, se répandit comme une traînée de poudre. Bientôt nous fûmes seules dans ce décor apocalyptique. Titubant sur quelques mètres, je tombai à genoux près du corps de mon amour... l'enlaçai et éclatai en sanglots...

* * *

Ce fut à bout de forces, couverte de sang sec, le visage plus proche de celui d'une bête sauvage que d'une noble Elfe, que je me présentai à la Matriarche. Elle esquissa un sourire vainqueur et moqueur pour ses collègues alors que je lui remettais la gemme noire.
- Je crois que nombre des nôtres vous doivent des excuses... Champion Calaheraë. A vous aussi Chevalier Deepwood.
Je ne pus manquer l'air furax des figures de l'Ordre en présence. Les poings serrés de Vranesh me laissèrent à imaginer que je devrais aussi le défaire en duel avant qu'il ne se décide à reconnaître ma nouvelle autorité. Avec un salut respectueux pour la matriarche, et beaucoup moins pour moi, ils quittèrent tous la pièce. La matriarche prit un instant pour nous jauger, Timae et moi, toujours souriante, un sourire tellement pétrit d'orgueil victorieux qu'il m'en donnait envie de vomir.
- Eh bien Champion, vous voyez bel et bien que la lumière ne peut rien contre nous...
- Non Matriarche, je vois que la lumière ne peut rien contre moi.

En sortant du temple de l'ordre, je vis le regard détruit de Timae. Sa toute nouvelle Foi si prometteuse étouffée dans l'oeuf. Je pense que d'une certaine manière, ce que je lui dis était une tentative maladroite de lui demander pardon...
- Tu sais Timae... C'est juste tellement triste que... ce soit au moment que j'ai compris que tu avais ce qu'il faut pour devenir Paladin que j'ai compris que je ne l'avais plus...


"Ne combat point les monstres ou tu deviendras monstre, et si tu regardes au fond de l'abîme, l'abîme aussi regarde en toi" Nietzche