[Récit - Croisade et Religion] Cendres et flammes

Le groupe de silhouettes courbées et à la démarche saccadée progressait silencieusement dans le paysage ravagé des Plaguelands. Ruiné par les combats, un bosquet aux arbres pourris cachait leurs haillons pourpres, qui ne masquaient qu’à peine le teint pâle et les membres décharnés des soldats, aux armes rouillées.

Ces morts-vivants faisaient parti des toutes jeunes Réprouvés : les anciens zombies et goules étaient enfin libres de penser … mais avaient déjà trouvés une nouvelle volonté de fer pour les guider, en la personne de la Ranger Noir Sylvanas Windrunner. L’ancienne haute elfe tentait de se constituer un pays en ces terres ravagées, et avait envoyé ce groupe pour marcher vers Hearthglen, une ancienne ville d’importance dont l’état actuel était inconnu. Etait-elle occupée par le Fléau ? Et si oui, avaient-ils été libérés de l’emprise du Roi-Liche ? C’était ce que voulait savoir la nouvelle Dame Noire.

Un autre bastion fortifié serait un atout de taille pour les Réprouvés. Infatigables, ceux-ci marchaient depuis des heures. La trentaine de silhouettes n’avaient pas été non plus soldats professionnels pendant leur vie humaine, et c’est ce qui expliqua qu’ils commencèrent à s’engager dans la passe de Northridge sans précautions particulières.




Il venait d’exploser. Comme ça, sans raisons apparentes : l’éclaireur du groupe, qui était en avance sur celui-ci d’une bonne vingtaine de mètres, avait disparu en hurlant dans un nuage de cendres. Les autres réprouvés, surpris, levèrent leurs armes, alors qu’une imposante et sombre silhouette sortait du nuage qui se dissipait. Immense, il semblait être un démon venu droit du Néant, enchâssé qu’il était dans une armure intégrale de plaques noires décorées de têtes de mort.

« Dernier refuge de l’humanité en ces terres … »

L’être portait à la main une immense épée, incrustée d’un cristal rouge luisant comme le soleil. La chaleur qui en émanait était palpable même à cette distance. Son tabard, une flamme écarlate sur fond de blanc, voletait sous l’action d’une brise qui ne venait de nulle part.

« L’espoir d’un peuple. »

Il portait un casque du même métal que son armure, noir comme la nuit, surmonté de deux cornes de taureau stylisées. Son regard bleu perçant confirmait la force de sa voix, et il était d’une intensité telle que l’air semblait vibrer par sa présence.

« Vous ne passerez pas. »

Le géant prit son épée à deux mains, tourné vers les réprouvés, l’air de vouloir bloquer toute la passe par sa seule présence.

« Qui … Qui êtes-vous ? » articula le chef des soldats mort-vivants, peu habitué qu’il était à pouvoir parler après toutes ces années de servitude silencieuse. Sa gorge ravagée donnait un air de croassement à sa voix.

« SILENCE ! » hurla en toute réponse le guerrier noir, alors qu’il était rejoint par deux autres humains venant de ses arrières. L’un deux était un homme roux et barbu, habillé d’une robe d’Abbé de la Lumière, et l’autre une femme rousse aux traits rugueux mais portant une hache de guerre. Tous portaient le même tabard de flamme rouge, et c’était manifestement de puissants serviteurs de la Lumière, leurs auras combinées aplatissant l’herbe à leurs pieds.
« Prétentieux. Les morts ne doivent pas parler », continua le guerrier en portant la main à son cou. « Et devant moi, je vois des morts qui marchent. Une armée de morts-vivants marchants en rangs serrés vers le champ de bataille. » Il défit des sangles, et ôta doucement son casque pour révéler un homme mûr, aux longs cheveux et à la barbe châtain, le visage marqué par les expériences de la guerre.

« Hérésies à la Lumière. Croyez-vous vraiment que nous autres allons vous laisser faire ? »
Son regard, bleu et intense, conservait tout son froid et son sérieux malgré sa chevelure qui s’agitait comme sous le vent.

« Vos cadavres pourriront et vos âmes seront liberées. »

Le chef réprouvé voyait ses hommes paniquer depuis la mort de l’éclaireur, mais ils n’arrivaient pas à ôter leurs regards de l’humain. Sa présence était telle que l’idée de la fuite ne leur vint même pas à l’esprit.

« Posons-nous nous-mêmes les questions. CROISES ECARLATES ! Qui diable sommes-nous ?! » hurla-t-il à nouveau.

« NOUS SOMMES DES ZELOTES ! » répondirent en chœur une trentaine de voix, alors que des silhouettes en armure écarlate se levaient de part et d’autre des sommets de la passe, les armes à la main et portant le même tabard. La haine et la colère se lisaient sur leurs traits : nains, humains et elfes. Tous avaient l’air de guerriers aguerris, ayant tout perdu dans les flammes de la guerre.

« Dans ce cas, Croisés Ecarlates, qui servons-nous ?! » reprit le guerrier, en levant bien haut son immense épée.

« NOUS SERVONS LA LUMIERE ! »

C’en était trop. Avec un cri de guerre mal assuré, le chef réprouvé leva sa propre lame et se mit à courir vers le trio d’humains.

« Dans ce cas !! »

Il fut abattu par l’épée brulante, son cri de guerre se perdant dans le hurlement des flammes qui l’engloutirent. Le geste de l’humain avait été presque trop rapide pour être vu, et le corps du mort-vivant fut dispersé en un nuage de cendres noirs, vite repoussées par l’aura du paladin.

« Croisé Ecarlate ! Accomplis ton devoir et purifie ta terre de ces horreurs impies ! Donne ta vie à la Lumière et brûle-les tous pour les renvoyer dans le Néant ! »

Ensemble, ils chargèrent, le feu dans les yeux et la prière aux lèvres. Ce faisant, ils commençaient une nouvelle guerre, bien que pour eux la dernière ne s’était jamais vraiment finie.