Les préparatifs de Lynn avant les Iles aux Dragons

Les jours passaient et la date de l'expédition approchait petit à petit. Elle était impatiente, même si son visage n’exprimait qu’une parfaite neutralité. Cela faisait plusieurs jours, presque deux semaines, qu’elle était en ville. Elle n'était pas habituée à cela, elle qui passait sa vie sur les routes, chevalière errante traquant le Mal au quatre coins du monde et aidant les plus démunis à régler leurs malheurs. Mais une nouvelle menace plus globale émergeait et elle avait décidé à s’en mêler. Cela l’obligeait a abandonner un temps sa vie nomade et solitaire. Encore que solitaire était un bien grand mot après avoir passé un an avec une écuyère dévouée bien qu’un peu trop enthousiaste dans sa foi.

Lynn soupira doucement et termina de nouer sa longue chevelure en un chignon bas. Elle verifia sa mise devant un petit miroire, observant sa peau légèrement caramel, ses yeux vert tirant legerement sur le jaune et cette chevelure rouge grenat. Elle hocha la tete sans une expression et reposa le miroire allant revetir sa tenue civil: cuissardes, pantalon de cuir, chemise et un long manteau blanc matelassé retombant jusqu’au cheville. Elle attacha sa ceinture avec son matériel et le baudrier avec sa longue épée dans son dos. Ainsi parée, elle prit ses lourdes sacoches de selle et se dirigea vers sa monture qu’elle chargea et paya sa chambre.

Elle avait fort à faire aujourd’hui mais décida de passer la matinée dans son endroit préféré de la capitale, l’Orphelinat. Sur place, elle abandonna ses armes, son matériel, son chapeau et son manteau pour avoir l’air moins intimidante, surtout pour une elfe géante. Elle se mêla aux enfants et son expression impassible de coutume se détendit légèrement et quelques expressions apparurent. Les enfants avaient pris l’habitude de la voir et étaient friands d'écouter ses aventures. Elle les édulcora bien entendu mais les racontait avec enthousiasme. Elle y retrouvé ses habitués, une majorité d'elfes pur mais aussi quelques demi-elfes, humains, trolls, orcs et autres. Pour cette deuxième catégorie, la plupart avaient été abandonnés. Malgré son ouverture, la société elfique n'était pas encore vraiment prête à accepter les demi-sang, surtout avec les problèmes de populations.

C’est ainsi, avec les enfants qu’elle passa la matinée et le repas de midi. Puis avant de partir, elle laissa une petite somme à un orphelinat déjà bien pourvu en financement. Mais tout don était bon à prendre pour fournir une bonne éducation et tout le nécessaire à chaque enfant. Elle repartit cette fois pour une des zones les plus douteuse de la ville, l’allée du meurtre. Sa tenue blanche contrasta avec l’endroit et elle s’arreta devant une boutique à l'aspect suspect, laissant son cheval devant puis entra.

L'intérieur était sombre, avec un papier-peint de mauvais goût, des étagères remplies de bocaux et derrière le comptoir deux gobelins au regard suspicieux. Ils l’observèrent longuement puis échangèrent quelques mots dans leur langue alors qu’elle inspectait les étagères. Et à leur grande surprise une voix émergea du sac de Lynn pour donner la traduction.

“T’as vu la grande perche blanche? C’est clairement pas une habituée du coin. On va pouvoir l’arnaquer comme il faut celle la!”

Ils échangèrent un regard interloqué quand Lynn se pointa devant et ouvrit son sac sortant un chapelet de tête réduite pas plus grosse qu’un poing. Chaque tête était d’une race différente dont une tête de ce qui fut probablement un gobelin qui les regarda. Lynn posa le chapelet sur le comptoir et les fixa à son tour, ses yeux se rétrécissant pour devenir deux fentes suspicieuses. Elle dit alors d’une voix froide et cassante.

“Ceci, je l’ai arraché à un nécromancien troll que j’ai décapité au fin fond de la jungle de Strangleronce. Cela traduit tout ce que vous dites, donc ne vous avisez pas de tenter de m’arnaquer, suis-je clair?”

Les gobelins se regardèrent à nouveau, la grande elfe, son étrange attirail à sa ceinture dont la falcata a sa hanche et la longue épée dans son dos et hochèrent la tête. L’un prit la parole.

“Et… que pouvons nous pour vous noble dame?”
“J’ai besoin de curare, beaucoup de curare.”
“Ha… Bien! Bien! Tout de suite belle dame!”

Les gobelins s’agitèrent et allèrent chercher un bocal rempli d’une poudre grisâtre qu’ils posèrent sur le comptoir. Le deuxième prit la parole.

“Si vous voulez l’utiliser pour enduire une arme, mélangez à un peu d’eau, enduisez et laissez sécher. Par contre attention, touchez pas à main nue!”

Lynn hocha la tête, c'était bien son intention, l'acquisition de curare faisait partie de son plan anti-dragon, le poison provoquait des spasmes et paralysies musculaires, exactement ce dont elle avait besoin. La suite serait plus difficile mais c'était l’objectif de ce séjour prolongé à la capitale, obtenir de quoi réaliser son plan. Elle déposa la somme convenu sur le comptoire avec un petit supplément et ajouta.

"Assurez-vous de toujours garder un pot de côté pour moi, et vous aurez à chaque fois le supplément."

Les gobelins affichèrent un regard avide et hochèrent vivement la tête, elle venait de parler leur langage. La tractation terminée, elle rangea le pot et les têtes réduites dans son sac sans fond et sortit de la boutique. Dehors, elle découvrit un elfe étendu assommé à côté de son cheval. Elle fronça les sourcils et une voix nasillarde arriva du cheval.

“Salut patronne! Il a voulu approcher de trop prêt! Donc je me suis permis une petite correction!”
“Tu as bien fait, annonça Lynn.”

Elle fixa la sphère verdoyante pendant au cou du cheval d'où se dessinait en flammes rougeoyante un visage évoquant un satyre au sourire carnassier. Elle lui fit un signe de tête puis se pencha sur le corps étendu quand elle sentit soudain un coup dans son dos. Elle se retourna vivement en balayant de la main pour frapper l’intrus et vit une elfe faire un bond en arrière, une dague à la main. Sa doublure en maille d’arcanite avait une fois de plus fait merveille. La voleuse maugréa et fixa la grande elfe, se mettant en garde. Lynn plissa les yeux et plongea une main dans sa sacoche. Elle sortit une poignée de clou qu’elle lança en l’air. Les clous se plantèrent au sol autour d’elle formant un cercle. Elle décrocha le baudrier de son épée qu’elle saisit dans sa main et dégaina laissant le fourreau au sol. La voleuse tica en regardant les clou et l’épée puis se faufiler dans les ombres, disparaissant. La chevalière soupira et de la main gauche sortit une boussole étrange et murmura “Ombre” à l'appareil dont l’aiguille pivota et se mit à suivre une chose invisible. Lynn tendit l’épée en suivant la direction de l'aiguille et celle-ci se fixa, visiblement la voleuse avait arrêté de bouger. La grande rousse murmura soudain un mot de pouvoir et ponctionna la cible, arrachant le voile d’ombre en même temps que le mana, ses yeux vert luisant plus intensément. D’un autre geste, Lynn invoqua un marteau du courroux qui sonna net la voleuse. Au même moment, elle perçut un cri de douleur derrière elle, un autre voleur venait de pénétrer dans sa zone de consécration et s'était brûlé. Lynn pivota alors vivement, plaçant le pouce sur le plat de sa lame et donna un violent coup de latte au voleur qui fut sonné net sous l’impact. Elle observa alors autour d’elle et sa boussole devenue inerte. Elle soupira, rangea l’appareil puis tendit la main vers le sol. Les clous revinrent à elle et elle les rangea également. Du pied elle fit sauter le fourreau de sa longue épée et la rengaina puis la remit dans son dos. Ceci fait, elle remonta en selle laissant les trois malandrins évanouis et offrit un cristal de mana à la sphère ardente qui consuma le précieux pouvoir en soupirant d’aise.

Après un bref trajet à travers les rues de la ville, elle arriva devant un manoir richement décoré et particulièrement actif. Elle descendit de selle et approcha en tenant la bride de son cheval. Un garde l’observa et elle inclina la tête avant d’annoncer.

“Bonsoir, je suis la répurgatrice Lynn Fearyll, je souhaite voir l’un de vos maîtres, Falrhen Faucon-Marchand. Il me connaît"

Le garde l'avisa un bref instant, hocha la tête et héla un serviteur pour aller prévenir le concerner. Le manoir Faucon-Marchand ne manquait pas d’activité cet après- midi, l'expédition à venir avait dû grandement augmenter la demande en armement.

“Hey patronne! On essaye de toucher le canasson, je fais quoi?!” Annonça la voix nasillarde près du cheval.

Elle se tourna vers son cheval et la sphère. Un palefrenier affiche un air surpris, de même que le garde en entendant la voix. Lynn annonça calmement:

“Non il ne fait que son travail, laisse le tranquille.”
“Ok patronne!”

Le garde dubitatif observa les deux puis demanda:

“C’est quoi ça?"
"L'âme d’un satyre que j’ai emprisonné, il protège mon cheval avec des sorts assommant, je lui avait laissé le choix après sa capture : me servir et obtenir des cristaux de mana tous les jours, me voir me changer et prendre le bain, voyager et survivre ou alors je détruisais sa pierre d'âme sur Argus pour l'anéantir à jamais. Il a fait son choix.”
“Et je ne regrette rien!” Hurla la sphère alors que le palefrenier perturbé éloignait la monture jusqu'à l'écurie.

Le Satyre était un ancien ennemi qu’elle avait vaincu et achevé avec son pieu de capture d'âme. Le pieu contenait une pierre d'âme éjectable qu’elle utilisait contre ses ennemis immortels ou les plus dangereux. Elle avait qu'à éliminer la cible, récupérer la pierre et en mettre une neuve.

Finalement, un serviteur invita Lynn à le suivre et elle retrouva Falrhen qui l'accueillit amicalement, ils se connaissaient bien depuis le temps.

“Cela faisait longtemps Lynn, vous allez bien?”
"Plutôt, j’ai eu une élève pendant un an, cela… fait du changement dans la vie mais je l’ai finalement confié au Fils de Quel’thalas. J’ai d’ailleur appris que vous avez eu un enfant avec la Legate, félicitation.”

Il lui fit un de ses rares sourire et hocha la tête. Ils discutèrent ainsi des dernières années écoulées avant que Lynn en vienne à son projet, celui d’une arme pour faire tomber les dragons pour les affronter au sol. Elle sortit alors une feuille de papier où elle avait tracé un plan sommaire d’une de ses idées pour accomplir cela: un carreau d'arbalète à la tête creuse et remplie de poison, le curare en l'occurrence. A l'intérieur, en plus du poison, un piston était retenu par une goupille fine destiné à se briser à l'impacte afin de libérer un ressort et déployer le piston pour injecter le poison. Falrhen étudia les plans pensif puis, hochant la tête, il annonça:

"Ça va beaucoup dépendre de la puissance de l'arbalète, mais je pense qu’on peut même faire mieux que de briser la goupille. On pourrait plutôt utiliser la tête du carreau comme bouton pour libérer le ressort à l’impact. Cela devrait être plus fiable si on règle bien la force de pression. Et cela pourrait rendre le mécanisme réutilisable si le carreau n’est pas trop endommagé. Regardez.”

Falrhen prit un crayon et annota le plan a plusieurs endroits sous le regard de Lynn qui approuva.

“Cela me semble mieux oui, c’est possible de faire cela rapidement?”
“Cela dépend de ce que vous entendez par rapide, je peux vous fournir les plans rapidement oui. Pour la production ça va dépendre mais si c’est bien pour les îles au Dragon, vous pouvez demander aux ingénieurs des Fils. Liareth pourra vous aider sur place.”
“Liareth, je note.” Lynn hocha la tête.
“Je garde le croquis, repassez demain soir, je vous donnerez le plan définitif.”
“Parfait, merci à vous."

Elle se releva et salua Falrhen avant de repartir. Elle récupéra sa monture et se dirigea tranquillement vers les bois pour s’isoler. La, bien a l'abri sous les arbres, elle sortit un lourd codex d’escrime et utilisa le marque page pour retourner où elle en était. Elle connaissait ce livre par cœur mais s’évertuait à le réviser encore et encore, refaisant un chapitre par arme chaque jour. La lecture achevée, elle commença divers exercices de musculation, d’endurance, de souplesse puis déposa au sol un dispositif d’image miroire. Un objet qu’elle avait capturé sur la dépouille d’un mage du Kirin Tor renégat, il y a quelques années. Celui-ci lui servit à vérifier ses postures et ses mouvements de gardes et d’attaque pour s’assurer de les exécuter à la perfection. Elle s'entraîna ainsi à l'épée longue, la falcata et la dague, ce qui lui prit le reste de l'après-midi. L'entraînement terminé, elle rangea ses affaires et prit la route vers Brise-Clémente pour y loger, préférant une petite ville pour se reposer.

Après un repas simple, comme à son habitude, elle remonta dans sa chambre et commença à se déshabiller pour son bain, ignorant les commentaires du Satyre censé surveiller la porte. Après le bain, elle déplia un tissu en Tisse-Mage couvert de runes et arborant un cercle au centre et quatre cercles aux coins. Sur ces derniers, elle plaça un calice, un cristal doré, son rosaire et un petit reliquaire contenant le doigt squelettique d’un saint de l'église de la lumière. Elle vint elle-même se placer dans le cercle central, en tailleur, toujours dénudée, puis elle ferma les yeux paume sur les genoux. Elle maîtrise sa respiration pour chercher un état de quiétude. Ceci fait, elle se remémora les épreuves et réussites de sa vie. Comme toujours la mort de son époux et de son enfant des griffes du Fléau, lui provoqua un frisson mais chaque épreuve nourrissait sa détermination et les réussites la confortait dans son choix de vie. Elle avait vu tant de malheur mais aussi aidé tant de gens à travers ses pérégrinations. Elle se laissa submerger de son envi de protéger le monde, d'empêcher les tragédies. Sa volonté était son lien à la lumière et assez vite son mana entra en résonance avec les artefacts autour d’elle.

Quand elle émergea de sa méditation, son lien aux energies sacré etaient renouvellé au point que pendant un bref instant ses yeux luisaient d’une intense lueur doré avant que le verte reviennent se melanger en volutes pendant quelques instants puis le vert tirant vers le jaune revint. Elle s'étira longuement puis rangea son matériel soigneusement. Finalement, elle mit sa chemise de nuit avant de se glisser dans son lit et revisa un chapitre de son bestiaire des monstres et créatures maléfiques. Celui-ci aussi, elle le connaissait par cœur mais le révisait régulièrement quand elle n’avait pas un nouvel écrit sur la lutte contre le mal à étudier. Finalement, elle s'assoupit laissant le Satyre dans sa sphère surveiller la chambre.