Les Fils de Quel'Thalas
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[Récit/BG] Le voyage

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Message  Loendryl Mar 22 Jan 2008 - 19:52

Le jeune Sin’Dorei grimpa à bord du zeppelin. Si tout allait bien, il poserait le pied dès ce soir sur le continent qui l’avait vu naître. Alors qu’il faisait escale à Orgrimmar, on lui avait même dit qu’il existait maintenant un téléporteur entre Lordaeron et Silvermoon… Se pouvait-il qu’il passe la prochaine nuit parmi les siens?

Loendryl s’assit contre la bastingage en songeant avec quelle facilité, quelle vitesse se déroulait le voyage qui le ramenait enfin chez lui après une si longue absence. Lorsqu’il était parti, tout restait à reconstruire et rien de tout ceci n’existait : ni lignes régulières, ni téléporteurs entre les deux cités, dont il ne restait d’ailleurs plus grand-chose.
On lui avait tant vanté l’état de restauration de Silvermoon qu’il était impatient d’en parcourir à nouveau les rues. Des souvenirs du monde d’avant s’imposèrent alors à sa mémoire, et il ne put s’empêcher de songer à tous les morts, tous les disparus. Afin de se changer les idées et de tromper l’ennui, il entreprit de feuilleter le carnet de voyage qu’il avait tenu depuis son départ.


Je suis enfin arrivé à destination. Ce qui tient lieu de "capitale" à la tribu Shadowprey n'est qu'un village misérable et malodorant. Ses habitants sont aussi laids et presque aussi désagréables que les Amanis de chez nous. En les voyant, on peine à imaginer qu'ils puissent être issus de ce qui fut autrefois une grande et ancienne civilisation.

Pour me rendre sur place, mon parcours a duré plusieurs semaines, prenant l'allure d'une expédition. Les voies de communication -ce qu'il en reste- sont pratiquement inexistantes. Pas de navire, de zeppellin, ni même de relais pour changer de monture. L'état des routes est déplorable. Enfin, quand il y a des routes. Il m'est difficile de savoir si cela est dû à leur exil, aux dommages de guerre ou à l'état de barbarie crasse de tous ces peuples arriérés. Sans l'émissaire réprouvée qui m'a accompagnée tout au long du voyage, les sauvages que nous avons croisés m'auraient certainement bouffé sans autre forme de procès!

Mes sœurs me manquent. Même Sérindë. Je n’aurais pourtant jamais cru penser une telle chose un jour! Pourquoi faut-il qu'après tant d'années, nous commencions seulement à nous entendre au moment où nous devons précisément nous séparer?
Tout est allé si vite ! Je n’ai même pas eu le temps de la prévenir avant mon départ.

Qu’est-ce que je fous ici?

Puisse la Lumière guider mes pas.

Je fais confiance aux chefs qui guident notre peuple, enfin ce qu'il en reste. Néanmoins, je m'interroge toujours sur leur décision de laisser la reine Sylvanas intercéder afin de favoriser notre rapprochement avec les autres races de la Horde. Est-il sage de tourner le dos à nos alliés historiques pour nous jeter dans les bras de peuples avec lesquels nous n'avons aucune affinité particulière dans le meilleur des cas, et des contacts inamicaux dans le pire?

D'un autre coté, la compromission croissante des humains avec ces maudits bouffeurs de racines de Teldrasil a de quoi nous faire craindre que l'évolution de nos relations avec l'Alliance ne tourne pas en notre faveur. Or nous sommes désormais trop peu nombreux pour nous permettre de rester isolés...

Peut-être que le vent tourne, que les anciennes alliances sont en train de devenir caduques. Peut-être que nos chefs ont raison de commencer à placer quelques pions ailleurs. Par prudence. Et dans ce cas, il est logique d'envoyer des... hum... "volontaires" au contact des autres races de la horde. Ne serait-ce que pour tâter le terrain et habituer progressivement ceux qui ne sont encore que d'éventuels futurs alliés à notre possible présence parmi eux. Une présence qui n'irait pas forcément de soi autrement.
Juste au cas où...

Mais pourquoi m'avoir choisi, moi?
Je n'ai pas vu à quoi ressemblaient les autres représentants qui ont été désignés, mais je ne serais pas autrement surpris d'apprendre qu'ils sont tous un peu dans mon genre: suffisamment instruits pour être utiles dans leur rôle, suffisamment inexpérimentés pour ne pas trop manquer à Quel'Thalas, où tant de choses plus utiles restent à faire.

Je hais la diplomatie.

En observant son compatriote, monté à bord peu de temps avant le départ du zeppelin, Loendryl se demanda s’il ressemblait autrefois à ça : prétentieux et complètement à coté de la plaque.
Il ne put réprimer un sourire lorsque le nobliau qui n’avait pas daigné lui accorder un regard se pencha par dessus le bastingage pour vomir au bout de quelques minutes de vol. Il était engoncé dans une épaisse robe de cérémonie, totalement déplacée sous le soleil de Durotar qui le faisait suer à grosses gouttes.


« Sûr qu’il a plus d’allure que moi, qui reste assis dans l’ombre avec ma robe élimée », songea le jeune prêtre. "Ce n'est pas avec de tels parasites qu'on arrivera à restaurer notre civilisation..."

En le voyant penché au dessus du vide, Loendryl sourit de plus belle en imaginant le son mat que produirait l’importun s'il s’écrasait une centaine de mètres plus bas.
Il tourna machinalement quelques dizaines de pages avant de reprendre sa lecture au hasard pour lutter contre la tentation de le balancer par-dessus bord.
« De toutes façons, ça serait beaucoup plus intéressant au milieu l’océan », ricana-t-il en replongeant le nez dans son carnet de voyage.

A mon arrivée parmi les Shadowpreys, c'est tout juste s'ils étaient capables de me distinguer d'un Kal'Dorei. A leur décharge, de mon coté j'aurais sans doute eu la même difficulté à différencier un Gurubashi d'un Amani au premier coup d'œil. A vrai dire, avant mon départ, j’ignorais jusqu’à l’existence de cette tribu liée aux Darkspears, mais localisée sur la cote ouest de Kalimdor.

Ils semblent avoir un certain respect envers tout ce qui touche au domaine religieux. Ou est-ce de la crainte? Toujours est-il que dès mon arrivée, même si ma présence les agaçait, ils n'ont jamais remis en cause mon statut de prêtre et m'ont proposé une hutte dans la partie du village où se regroupent leurs mystiques.

C'est d'ailleurs par le biais de leurs prêtres et chamans que les choses ont commencé à se dégeler. C'est également avec eux que j'ai les conversations les plus intéressantes. Ils se montrent toutefois fort peu enclins à partager leurs croyances avec un étranger, et m’ont longtemps tenu à l’écart de l’ensemble de leurs pratiques religieuses. Ma curiosité les irrite, mais je sens bien que l’intérêt que je leur porte flatte malgré tout leur fierté. C’est peut-être pour cela que depuis quelques jours, ils ont fini par m’autoriser à assister à quelques rituels mineurs, sans doute les moins compromettants.

De toutes façons, je n’y comprends rien!

[Récit/BG] Le voyage 2


Dans la mesure où je me fais discret, en restant dans mon coin sans faire un geste ni dire un mot, mes hôtes me laissent progressivement assister à un nombre croissant de leurs activités.

Je commence à sympathiser avec mes voisins immédiats : Shenshen la prophétesse, le sorcier-docteur, son père, ainsi qu'une jeune prêtresse.
Au cours de longues conversations au coin du feu, ils me livrent parfois quelques bribes d’explications pas toujours très claires à mes oreilles d’étranger, tandis que je leur parle longuement des principes de l’Eglise de la Lumière, qu’ils jugent de toute évidence dogmatiques et peu instinctifs.
Je peine à leur faire comprendre que c’est bien plus qu’un carcan rigide et contraignant !

Si la situation continue à se détendre, je ne désespère pas d’en apprendre plus sur leurs rituels, et même, qui sait, de pouvoir y participer un jour. Mais il faudra pour cela continuer à être patient, ne pas brusquer les choses, et accepter de leur donner si je veux recevoir.

Voilà maintenant plusieurs mois que je suis sans nouvelle de ma sœur. Compte tenu des difficultés que j’ai moi-même rencontré sur le trajet, il se peut que la lettre que je lui ai expédiée à mon arrivée –ou sa réponse- se soit égarée en route. A moins que Sérindë ait quitté Silvermoon avant de la recevoir. Je préfère imaginer cela, où même à la limite qu’elle me fasse la gueule parce que je ne l’ai pas avertie avant mon départ, plutôt que d’envisager qu’il puisse lui être arrivé malheur.

C’est une emmerdeuse, mais il ne me reste qu’elle. Je ne tiens pas à l’ajouter à la liste des morts, ou des disparus, comme Farnusphir avant elle.

Le sorcier-docteur, sa fille et leurs pairs ont manifesté une certaine curiosité à l'égard de la ponction de mana, dont ils m’ont parfois vu faire usage lorsque j’en ressentais le besoin. Je n'ai pas fait de tapage particulier autour de ça, mais je n’ai pas cherché non plus à être discret. Les Sin’Doreis n’ont pas à avoir honte de ce qu’ils sont. Nos -très éventuels- futurs alliés devront bien s'y habituer!

Leurs questions étaient toutefois empreintes d’un intérêt poli. Je dois reconnaitre cette qualité à mes hôtes : ils n’ont porté aucun jugement moral et ne s’offusquent pas de cette pratique.

Nous avons eu une longue conversation autour de ce sujet, au cours de laquelle j’ai tenté de satisfaire au mieux leur curiosité sans trop leur en dévoiler. Ils ont à leur tour éveillé mon intérêt en évoquant la capacité de certains de leurs prêtres à convertir l'énergie vitale dérobée à leurs ennemis en énergie magique directement infusée à l’officiant ainsi qu’à toutes les personnes proches de lui.
Au cours du voyage qui m'a mené jusqu'ici, la réprouvée qui m'accompagnait m'avait vaguement parlé d’une pratique enseignée à leurs prêtres de l'Ombre sous le nom de « toucher vampirique ». Le sorcier-docteur m’a quant à lui expliqué que ce pouvoir était réservé aux prêtres que les guédés -une certaine catégorie de loas- désignaient pour arpenter le sentier des ombres. On dit d'eux qu'ils "servent les loas des deux mains", touchant à la fois aux rituels bénéfiques qui m'ont été enseignés pendant ma formation, et à d'autres plus obscurs...

Je n'ai pas caché mon intérêt pour une telle technique, qui pourrait constituer une alternative intéressante à la ponction de mana. Un unique prêtre pourrait apaiser à lui seul la soif de magie de plusieurs personnes dans le feu de l'action! Par contre, pour en faire profiter les civils, à moins d’organiser de grands sacrifices collectifs…
Lorsque j’ai exprimé cette objection, la jeune prêtresse m’a demandé si je savais à quoi servaient les pyramides à degrés bâties par son peuple du temps de l’empire Gurubashi. J’ai répliqué que je ne voyais pas le rapport avec le sujet et qu’il était inutile de chercher à détourner la conversation s’ils ne voulaient pas répondre. Ils ont tous éclaté de rire.

Ces gens là sont parfois vexants…

Je me demande ce que penseraient mes semblables de pratiques si peu conformes au dogme de l’Eglise de la Lumière. Et pourtant, est-il raisonnable de tourner le dos à de nouveaux moyens de satisfaire nos besoins?
Nous sommes un peuple éclairé, pas un ramassis d’illuminés: le bien et le mal ne sont pas des fins en soi, seulement des moyens pour atteindre des objectifs plus élevés.


Dernière édition par Loendryl le Mer 24 Sep 2008 - 9:54, édité 13 fois
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Message  Loendryl Sam 26 Jan 2008 - 21:35

Mes hôtes me laissent désormais participer à un nombre croissant d’activités faisant partie du quotidien de la tribu.

Nous nous levons généralement pendant que les chasseurs, réveillés avant l’aube, finissent de se préparer. En attendant leur visite, nous nous rassemblons entre prêtres et chamans pour manger un morceau et déterminer qui d’entre nous accompagnera la chasse du jour.
S’il n’y a pas de volontaire –ce qui est rare- les accompagnateurs sont désignés en jouant aux dés ou aux osselets avec des phalanges prélevés sur les ennemis de la tribu. A ces jeux, lorsqu’elle veut rester dormir, la jeune prêtresse Maakali triche de manière éhontée! Nous faisons alors semblant de ne pas nous en rendre compte, car en dehors des rares fois où ça lui arrive, elle se porte presque toujours volontaire. Elle est attirée par le sang, et se comporte comme si sa fonction ne pouvait s’exprimer pleinement que là où la mort rôde…

Lorsqu’ils sont prêts, les chasseurs passent nous voir. Après un bref rituel de bénédiction, ils se mettent en route en compagnie des personnes désignées pour les accompagner. Avec le temps, ils se sont habitués à mes bénédictions et à ma présence occasionnelle parmi eux. Mes hôtes sont des gens pragmatiques: ce qui compte avant tout, c’est que ça marche, pas d’où ça vient.
Comme il leur arrive parfois de tomber nez à nez avec les démons du sud de Desolace ou des Kal’Doreis venus de l’espèce d’avant-poste situé dans la Combe de Nijel, nos groupes de chasse sont également précédés d’éclaireurs et escortés de guerriers, mages, etc.

Après le départ des chasseurs, quand je ne les accompagne pas, je reste généralement discuter avec les autres prêtres et les chamans. Lorsqu’il fait beau, Shenshen finit par me choper par le col et me balancer à la flotte en nous jetant des sortilèges de respiration aquatique pour aller pêcher ces espèces d’énormes langoustes qui abondent dans les eaux bordant le village.

Les jours se ressemblent, mais je dois admettre qu’ils se déroulent plutôt agréablement.

[Récit/BG] Le voyage 1

Mes hôtes estiment qu’il est nécessaire d’avoir tué son premier ennemi au combat pour être considéré comme un adulte. Or plusieurs jeunes sont jugés assez murs. L’ensemble de la tribu envisage donc d’organiser dans les prochaines semaines un raid initiatique au cours duquel ils auront l’occasion de faire leurs preuves.

Le sorcier-docteur m’a expliqué que chacun d’entre eux devrait revenir de l’expédition avec la tête de sa première victime, qui sera mise à bouillir toute la nuit afin d’en décoller plus facilement la chair et tous les... trucs... qui vont avec. Ils recevront pendant ce temps leur premier tatouage, puis une grande fête aura lieu en leur honneur. Elle ne s’achèvera qu’au matin, avec la remise des crânes nettoyés et décorés pour l’occasion par les autres membres de la communauté, ce qui marquera définitivement leur entrée dans l’âge adulte.

L’organisation du raid provoque cependant quelques remous...

Les années précédentes, l’expédition partait en pirogue, longeait le rivage en direction du nord, contournant les falaises de Stonetalon jusqu’au village côtier de Zoram’Gar, contrôlé par les Darkspears.
Des échanges de cadeaux et un banquet étaient alors organisés sur place entre les deux tribus, qui lançaient ensuite ensemble un assaut commun contre des sites Kal’Doreis localisés plus à l’est ou au nord.
Mais au cours des dernières semaines, plusieurs escarmouches ont eu lieu entre nos chasseurs et ceux venus de la Combe. Echauffés par ces événements, certains membres de la tribu voudraient changer de cible pour raser l’avant-poste.

J’ignore si ce rite de passage est commun à l’ensemble des trolls de la Jungle ou spécifique à quelques tribus ou villages. Même le sorcier-docteur, qui est souvent un puits de science sur de nombreux autres sujets, n’a su m’apporter de réponse. Il s’est contenté de hausser les épaules en disant que « ça a toujours été comme ça ici». A son attitude, j’ai compris qu’il trouvait ma question aussi insolite que dépourvue d’intérêt.

Le manque d’archives écrites est sans aucun doute l’une des plus grosses lacunes de ce peuple.

"Il ne se tait jamais?", s'interrogea Loendryl en refermant son journal avec agacement.

Il commençait à regretter la première moitié du parcours, lorsque son arrogant compagnon de voyage ne daignait pas lui adresser la parole, ni même d’ailleurs un simple regard. Car maintenant qu'il était lancé, celui-ci n’en finissait plus de monologuer sur toutes sortes de sujets superficiels et totalement dénués d’intérêt. Il n’y avait guère que quand il allait vomir que le flot de ses vaines paroles s’interrompait par la force des choses. L’importun souffrait en effet visiblement d’un violent mal des transports, contre lequel le jeune prêtre aurait sans doute pu faire quelque chose. S’il en avait eu envie. Au lieu de quoi Loendryl se demandait simplement, à chaque fois, ce qu’il pouvait bien lui rester à vomir.

«Peut-être qu’à force de se vider de ses tripes, il sera mur pour devenir un sujet de Sylvanas en arrivant à Lordaeron», songea-t-il en plaignant par avance les Réprouvés qui devraient cohabiter avec un tel bavard.

Une centaine de mètres plus bas, la mer scintillait paresseusement. Dire que la traversée en zeppellin aurait pu être agréable dans d’autres conditions…

Alors que son pénible compagnon de route reprenait place à ses côtés en essuyant la longue coulée de bave qui lui dégoulinait le long du menton, Loendryl farfouilla dans son sac pour en sortir un beau quartier de viande crue acheté à la sauvette en quittant Orgrimmar. Avec une politesse feinte, il le colla sous le nez du bavard en faisant mine de lui en proposer un morceau. Celui-ci déglutit, eut un violent haut-le-cœur, et fila en courant jusqu’au bastingage babord.

Peut-être que cette fois il en oublierait de narrer ses interminables exploits -réels ou imaginaires- auprès des demoiselles des beaux quartiers, songea Loendryl en reprenant sa lecture.


L’expédition qui avait tant échauffé les esprits au cours des dernières semaines est finalement, une fois de plus, partie vers le nord pour coopérer avec les Darkspears de Zoram’Gar, qui ont eux aussi des jeunes à initier.
Avant son départ, le sorcier-Docteur m’a discrètement soufflé que le choix était motivé par la volonté de maintenir un fort lien symbolique entre les deux tribus. Ce qui ne nous empêcherait nullement de donner plus tard à nos Kal’Dos de Desolace la leçon qu’ils méritent...

Une petite dizaine d’adultes valides à été désignée pour rester au village afin de veiller sur les vieux et les gamins pendant le raid. Je faisais partie du lot, tout comme Shenshen et la jeune prêtresse Maakali. C’était une déception pour chacun d’entre nous, qui aurions souhaité accompagner les combattants.
Depuis mon arrivée chez les Shadowpreys, j’avais eu de nombreuses fois l’occasion de les accompagner à la chasse, mais ne les ai jamais vus combattre nos ennemis communs. Même les escarmouches survenant occasionnellement aux alentours du village ne se sont jamais déroulées en ma présence.

Nous étions donc tous les trois assis sous l’auvent en compagnie d'une sorcière entre deux âges, ruminant ensemble notre déception. Shenshen aiguisait ses haches et Maakali jouait avec son python. Deux chasseurs et une poignée de guerriers partageant notre sort étaient en train de pêcher en bas du village pour tuer le temps en attendant le retour de l’expédition.

C’est à ce moment là que l’attaque a eu lieu.

Dans les premiers instants, j’ai songé que nos accrochages répétés avec les Kal’Doreis de la Combe avaient fini par les inciter à guetter le moment opportun pour nous tomber dessus en masse. Par chance, après avoir rapidement évalué leurs forces, je compris qu'il s'agissait simplement d’un de leurs groupes de chasse accompagné de son escorte. En passant dans les parages, ils avaient dû remarquer que le village paraissait presque désert, et ne sachant pas combien de temps cela durerait, tentaient immédiatement leur chance dans une pure attaque opportuniste.

A leur réaction, je compris qu'en arrivant par la vallée, ils n’avaient pu apercevoir que les combattants qui étaient sur la plage. Ils étaient visiblement surpris de voir une sorcière, une chamane et deux prêtres sortir de derrière l’auvent…

L’expédition ne serait pas de retour avant plusieurs heures, ce qui nous rendait particulièrement vulnérables. Si un seul de nos assaillants s’en tirait vivant, leur avant-poste serait informé de notre vulnérabilité et pourrait alors organiser une véritable attaque en force qui ne nous laisserait aucune chance.
Sans avoir besoin de nous le dire, nous étions tous parfaitement conscients qu'aucun d'entre eux ne devait rester en vie...

Shenshen se joignit à nos combattants de première ligne, jouant de la hache et déchainant la fureur des esprits élémentaires à leurs cotés. Resté en retrait avec la sorcière, derrière les deux chasseurs, je m'efforçais tant bien que mal de maintenir tout le monde debout.
La petite prêtresse, que je n'avais jusqu'alors jamais vue à l'oeuvre, s'était glissée derrière nous sans dire un mot. Elle avait pris un aspect quasi spectral. En la sentant me frôler, je m'aperçus que sa peau était devenue aussi sèche et froide que celle de son serpent. D'une voix trouble, elle murmurait des incantations à peine audibles, dont les effets immédiats ne produisaient rien de bien spectaculaire. A vrai dire, je mis un certain temps avant de comprendre ce qu'elle faisait, la prenant tout d'abord pour une lâche et une fumiste, le genre qui reste planquée derrière les autres en serrant les fesses…
Ce n'est que sur la durée, alors que de plus en plus d'ennemis semblaient touchés par les effets de ses sournoises petites incantations toxiques, que je m'aperçus que plus ils déclinaient et plus les nôtres étaient faciles à soigner tant ils semblaient se régénérer spontanément. Mais surtout, moi qui m'étais habitué à économiser mes efforts, je bénéficiais d'une énergie magique qui me semblait de plus en plus inépuisable, tant et si bien que lorsque personne n'avait besoin de soins, je me risquais à lancer quelques sortilèges offensifs et parvins même à tuer l'un de nos assaillants sans priver les autres combattants de ressources vitales!

Une fois la victoire quasiment assurée, la sombre petite prêtresse nous ordonna d’une voix glacée de la laisser achever elle-même les derniers blessés pour finir de restaurer nos énergies. Une demande, j’en étais conscient, qui s’adressait surtout à moi qui ne l’avais jamais vue à l’œuvre et ne connaissais pas ses méthodes.

Etait-ce donc cela, dont nous avions si longuement parlé en compagnie du sorcier-docteur? Serait-elle une de ces prêtresse qui suivent le sentier de l'Ombre? Certes, elle n’avait pas particulièrement brillé par ses prouesses martiales. Mais en une seule escarmouche, elle avait rassasié ma soif de magie pour plusieurs jours, comme jamais la ponction de mana ne me l'avait permis jusqu'alors!

Si seulement elle pouvait accepter de m'initier!

L'épreuve passée, on se remercia et se congratula tous. Puis je restais un moment, songeur, devant le corps de l'assaillant que j'avais tué moi-même. Il m'était déjà arrivé de donner la mort à des animaux en compagnie des chasseurs. Mais un combattant ennemi, c'était la première fois...
En m'entendant dire cela, Maakali me colla sa langue dans l’oreille en sifflant que j’étais un peu vieux pour être encore puceau, pendant que Shenshen décapitait le cadavre d'un coup de hache. Elle me balança la tête dans les bras en me souhaitant la bienvenue dans l'âge adulte.

J'écris ces lignes alors que nous attendons le retour de l'expédition. Les autres insistent pour que je me joigne au rite de passage destiné aux jeunes combattants, puisque je l'ai mérité. Ils se concertent déjà au sujet de mon futur tatouage et de la manière dont ils décoreront le crâne qui me servira de trophée. La sombre petite prêtresse ne me quitte plus des yeux, et caresse la tête de son python d’un air suggestif.

En tant qu'invité, il me semble poli de souscrire aux traditions de mes hôtes. Surtout si, comme c'est le cas ici, elles contribuent à me rapprocher d'eux, ce qui reste le principal motif de ma présence.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu'ils savent s’amuser !

Après le retour de l’expédition, tout le village a préparé la fête pendant que nous recevions nos tatouages. Nous avons ensuite passé la nuit à manger je ne sais quoi –ou qui!- à boire abondamment, consommer toutes sortes de substances aux effets étranges, et danser au son des tambours.
Depuis le combat j’étais déjà ivre de magie alors que la fête n'avait pas encore commencé. Le reste aidant, je ne me souviens plus vraiment de ce qui est arrivé ensuite.

A l’aube, Shenshen m’a réveillé en versant un alcool fort sur mes nouveaux tatouages pour m’emmener à la cérémonie de remise des crânes. Je me suis alors rendu compte que je m’étais endormi à poil dans un buisson, avec des griffures dans le dos, des suçons dans le cou, et une morsure à l’oreille. En constatant cela, elle grommela que seule une personne de mauvais goût pouvait faire ça avec un peau-rose ayant autant de doigts et si peu de dents.

Après la cérémonie, le crâne de mon Kal’Dorei sous le bras, je suis allé voir la petite prêtresse afin de lui demander si elle voulait bien m’initier à sa sombre magie. Elle me répondit que le choix ne dépendait pas d'elle, mais des Guédés, et qu'il était rare qu'ils perdent leur temps avec quiconque n'était pas troll. Menés par le Loa Samedi, les guédé sont les loas de la mort. Ils forment une famille bruyante, qui aime habituellement rire et s'amuser. Ayant déjà vécu, ils ne craignent rien.
J'écoutais ses explications avec intérêt et curiosité. Cela semblait si différent de la vision de l'Ombre contre laquelle on nous mettait continuellement en garde durant mes années de formation que je ne savais plus quoi en penser. De toute évidence, il ne s'agit pas d'un véritable culte de l'Ombre comme celui pratiqué par l'institution religieuse des réprouvés, mais plutôt d'un syncrétisme qui manipule indifférement ombre et lumière en tant qu'énergies, tout en vénérant d'autres forces.

Avant d'aller soigner sa gueule de bois, Maakali me promit d'interroger les Loas pour savoir s'ils acceptaient quand même de s'intéresser à moi. Juste au cas où...
Après tout, depuis mon initiation, je fais un peu partie de la tribu.

[HRP]J'avoue avoir piqué quelques phrases ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/Gu%C3%A9d%C3%A9[HRP]


Dernière édition par Loendryl le Mer 24 Sep 2008 - 10:25, édité 22 fois
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Message  Loendryl Mer 30 Jan 2008 - 19:37

Un messager Orc venu d'Orgrimmar est passé au village. Apparement, l'entrée de mon peuple dans la Horde est en train de se confirmer. Elle devrait être officialisée dans quelques semaines, quelques mois au plus.

Le matin même, alors que Shenshen et moi ressortions de l'eau avec des langoustes, Zufli-Maakali est passée m'informer que les guédés lui avaient répondu qu'ils ne s'opposaient a priori pas à son enseignement.
J'ignore si elle est réticente à l'idée de partager ses secrets, ou si elle cherche simplement à me protéger. Toujours est-il que la petite prêtresse a tenté de me déstabiliser en affirmant que ça serait une expérience dont je ne sortirai pas forcément indemne. Selon elle, la voix des esprits était féroce et ambigüe: que je survive ou non à mon apprentissage, cela me conduirait de toutes façons sur leurs pas d'une manière ou d'une autre, lui auraient-ils simplement répondu. Elle a pour sa part ajouté qu'il s'agissait d'un enseignement difficile et exigeant, auquel on ne survit déjà pas forcément quand on est taillé comme un troll. Alors un elfe chétif...

Shenshen a grommelé que dans le monde des esprits comme celui des mortels, je choisissais mal mes amis, et que je ferais mieux d'apprendre à planter des totems. Je lui ai répondu que ça m'excitait autant que de planter des radis, et que nos amis nous choisissent autant que nous les choisissons. Puis j'ai informé Maakali de ma décision de suivre son apprentissage, puisque plus rien ne s'y opposait. "Dans ce cas, ça sera plus pratique de venir t'installer chez moi", a-t-elle répondu en repartant.
"Il faut croire qu'il y a des choses pour lesquelles on n'a pas besoin d'être taillé comme un troll", a persiflé Shenshen en décapitant une langouste. En imitant mon piètre accent Zandali, elle a ajouté que je n'avais pourtant pas l'air bien habile avec ma langue.

Ces derniers temps, j'ai passé beaucoup de temps à discuter avec son père le sorcier-docteur, qui me raconte ce qu'il sait de l'empire Gurubashi tel que lui a décrit son grand-père, qui le tenait de son grand-père avant lui.

Je lui ai expliqué que l'exil des Darkspears, auxquels la tribu Shadowpreys est rattachée, était peut-être une chance historique. Longtemps considérés comme l'entité la plus faibles de l'empire, leur éloignement a permis de reconstituer leurs forces et de s'associer à de puissants alliés à l’abri des autres tribus, qui ont de leur coté vu leur puissance s'éroder en d'interminables guerres intestines et se sont ainsi considérablement affaiblies en restant à Stranglethorn.
Qui sait si la plus faible des tribus du précédent empire Gurubashi ne sera pas la plus forte du prochain?

L'idée d'un continent de l'est dominé par trois grandes nations -Quel'Thalas au nord, Lordaeron au centre, et un nouvel empire Gurubashi au sud- est assez séduisante.
Les réprouvés combattent déjà le fléau à nos cotés. Si les Darkspears combattaient les Amanis et les Kal'Doreis avec nous dans le nord, pourquoi ne les aiderions nous pas en retour à soumettre ou exterminer les tribus concurrentes dans le sud? Les deux territoires sont de toute façon éloignés et dépourvus de frontière commune. Une rivalité n'aurait aucun sens.

Le sorcier-docteur semble apprécier mes idées, même s'il me croit complètement cinglé.

Puisqu’il ne parvenait pas à faire taire son insupportable compagnon de voyage, Loendryl s’était résolu à trouver un moyen d’orienter son interminable monologue dans une direction qui l’intéresserait un peu plus, ou à le pousser par-dessus bord s’il n’y parvenait pas. C’est ainsi qu’il apprit que les parents de l’incorrigible bavard étaient partis en Outreterre, que son frère aîné ne tarderait pas à les y rejoindre, puis viendrait son tour.
L’énergumène paraissait très fier, se gargarisant de termes pompeux : "honneur", "privilège réservé à l’élite"...

Loendryl cacha son scepticisme derrière un masque d’intérêt poli. Qui avait-il d’honorable à partir loin de chez soi ? L’exil pouvait-il être un privilège ? Tout bien réfléchi, cela avait peut-être été son cas, après tout. Mais il était désormais de retour chez lui et comptait bien y rester.
Les paroles de la jeune prêtresse Shadowprey lui revinrent alors en mémoire :
"un jour tu repartira dans ton pays, et moi je resterai ici. C’est comme ça." Cette pensée lui arracha un sourire. Avec elle, tout paraissait si simple : "c’est comme ça".

Laissant l’autre parler dans le vide sans plus lui prêter attention, il reprit la lecture de son carnet de voyage.

Depuis que Zufli-Maakali a réalisé mes nouveaux tatouages et commencé à m'initier à la voie de l'Ombre, les autres membres de la tribu me surnomment Loen'jin. Bien qu’il y ait une ironie évidente à m’attribuer un suffixe de chef, j’ai la sensation qu’ils éprouvent une certaine sympathie à mon égard.

Mon apprentissage est brutal et exigeant. Parmi les expériences qui en font partie, l'une d'entre elles consiste à saisir toutes les occasions de me glisser dans le corps de personnes sur le point de succomber afin d’endurer la mort à leur place. Je dois cependant avouer une certaine déception: je n'ai ressenti que les sensations physiques liées à la situation, pas les émotions.
Sans doute parce que je savais que ce n'était pas tout à fait moi.

Récemment, alors qu'elle s'apprêtait à égorger mon corps d’emprunt, Maakali me demanda si je savais qu'on pouvait rester accidentellement prisonnier de l’hôte, et donc l’accompagner dans la mort. J'ignore si elle plaisantait ou pas, mais j'ai éclaté de rire: à force de mourir, cela finit par devenir une sensation familière, presque une amie. Sans doute était-ce le but recherché? Toujours est-il qu'elle me saigna comme un poulet en disant que j'étais sur la bonne voie.

Je me demande ce que les miens penseraient de tout cela. D'un autre coté, ce sont eux qui ont décidé de m'envoyer ici afin d'habituer la tribu à cohabiter avec nous, donc ils feraient bien de ne pas me le reprocher. D'autant que je n'étais pas vraiment emballé au départ...

Je ne suis plus vraiment un prêtre de l'Eglise de la lumière, mais je ne suis pas vraiment un houngan vaudou ou un chasseur d'ombres, et ne le serai probablement jamais tout à fait. Un peu de tout cela, sans doute. Ou rien du tout.

Lorsque nous nous transformons en ombres, Maakali dit qu'on a un pied dans chaque monde. Mais à vrai dire, c'est en train de devenir chez moi une sensation permanente...

[Récit/BG] Le voyage LC


Ne voir la jeune prêtresse qu'à travers les aspects les plus sombres et cruels de sa personnalité ne serait pas du tout représentatif de ce qu’elle est vraiment. Le contact permanent avec la mort lui fait encore plus apprécier la vie. A l'image des Guédés, elle aime rire et s’amuser. C’est aussi une danseuse extraordinaire, et les enfants l’adorent.
La voie sur laquelle elle commence à me guider n’est pas aussi sinistre et tragique que l’Eglise de la Lumière a cherché à me le faire croire au cours de ma formation. Elle n’est pas que cela, en tout cas, et bien des gens passent à coté du reste.

Les gamins de la tribu viennent souvent se planter devant notre habitation pour jouer avec nous où écouter les blagues débiles et les histoires trolles que la petite prêtresse raconte avec un certain talent. Enfin quand je dis « petite », elle ne fait jamais qu’une demi-tête de plus que moi…

L’autre jour, Shenshen, qui habite en face et s’installe souvent devant sa maison lorsque les enfants débarquent, a laissé échapper le poulet qu’elle venait de décapiter. Il s’est alors mis à courir sans tête sur une dizaine de mètres avant de s’effondrer à mes pieds. Avec une mine extrêmement sérieuse, Maakali a clamé qu’il s’agissait d’un signe des Loas, qui cherchaient à nous adresser un message capital pour l’avenir du monde : "même le plus con des poulets a besoin de sa tête pour vivre, mais il lui faut un certain temps pour s'en apercevoir". Elle a ramassé l’animal tout en embrayant sur l’histoire de la grosse mite et du génie dyslexique afin de détourner l’attention du fait qu’elle semblait bien décidée à garder le poulet.

Allongé sur le dos, je regardais ce soir là le crâne de mon premier Kal'Dorei en me disant que vus comme ça, tous les morts ont l'air de sourire... Lorsque je m'étais installé chez elle, ma petite prêtresse avait tenu à le suspendre à la poutre faitière, afin de nous rappeler constamment que la vie était courte, d’une manière comparable à ce que nos peintres, à Lune d’Argent, appellent des "vanités".
Maakali avait la tête posée sur mon ventre. Je l'entendis soudain murmurer: "pauvre petit poulet sans tête, n’oublie jamais que la vie ne dure que le temps de faire quelques pas..."
Elle se tût à nouveau, et je l’entendis respirer profondément, ce qui me fit croire qu’elle avait parlé en dormant. Mais elle se tourna alors vers moi et ajouta: "Tu crois pouvoir sauver ton peuple avec des tours de passe-passe. Fais simplement ce que tu as à faire pour aider les autres, mais n’en attends pas trop et ne te pose pas tant de questions. Parce qu'à la fin, quoi qu’on ait fait, c'est toujours eux qui finissent par prendre leurs propres décisions, et on n'y peut rien."

Etre comparé à un poulet sans tête n'est pas très agréable. J'eus du mal à trouver le sommeil, ce soir là.


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Message  Loendryl Ven 1 Fév 2008 - 20:07

"Et alors vous parlez le... langage... des trolls?", interrogea son exaspérant compagnon de voyage. "Vous pouvez me dire un truc, là, comme ça?"

Loendryl se rendit compte que son interlocuteur semblait à la fois curieux et méprisant, un peu comme s’il venait à peine de découvrir que les trolls étaient capable d’utiliser une langue articulée comprenant plus de trois mots de vocabulaire.
Il releva lentement la tête de son carnet de voyage, affichant une mine irritée.


"Hmm… Oui… Qu'est ce que vous voulez?"

"Je ne sais pas... Ce qui vous passe par la tête ! , répondit l’autre avec entrain.

Bien décidé à choquer son interlocuteur, le jeune prêtre jeta un coup d’œil à la page sur laquelle il avait interrompu sa lecture, afin d’y puiser une idée. S’efforçant de garder l’air sérieux, il dit de sa voix éraillée :
"Yashod di fu or'manley riva dim quashi zutopong... Deh deh fu iman wehnehjo caang fu!"
Devant le regard intrigué de son interlocuteur, qui semblait attendre une traduction immédiate, Loendryl décida de le laisser mariner jusqu'à ce qu'il pose lui-même la question, et reprit sa lecture comme si de rien n’était. Lorsque son compagnon de voyage finit par l’interroger, il répondit d’une voix neutre, sans même lever les yeux de son journal : "Arrête, tu me chatouille avec tes grands sourcils... Non non, en fait continue comme ça!"

L’éxaspérant aristocrate ouvrit de grands yeux, glapissant d'un air écoeuré: "Je ne veux surtout pas savoir comment vous avez appris ça!"

"Vous ne savez pas ce que vous perdez", se contenta de répliquer le jeune prêtre sans quitter le carnet des yeux.

"Mon pauvre ami, ils ont du vous en faire voir de toutes les couleurs !"

"Du bleu, surtout."

Le voyageur s'accouda à nouveau au bastingage, en murmurant comme pour lui même: "Incroyable ce que ces ignobles créatures obligent leurs captifs à faire…"

"Cette fois c'est la bonne", songea Loendryl. "Je t'ai déjà beaucoup trop entendu!"
Se souvenant qu'il n'avait encore jamais goûté à la noyade, il se concentra pour investir le corps de son compagnon de voyage, qui sursauta, se redressant brusquement en criant: "on arrive!"
Il pointa de son doigt boudiné un horizon lointain où la terre n'était pas encore visible, mais le ciel paraissait nettement s'assombrir. Les côtes de Tirisfal ne devaient en effet plus être très loin.


"Tu ne saura jamais à quoi tu viens d’échapper, petit poulet sans tête", marmonna le jeune prêtre en replongeant le nez dans son journal.

Ce matin, des représentants de mon peuple sont arrivés en grande pompe au village, en compagnie d’émissaires Orcs et Taurens. Après tout ce temps, c’était la première fois que je revoyais des Sin’Dorei depuis mon départ de Silvermoon, et ils étaient venus pour annoncer enfin notre entrée officielle au sein de la Horde !

Pendant que la délégation était reçue par le sorcier-docteur et quelques personnes désignées par ses soins, tout le reste de la tribu s’est mis en quatre pour improviser une grande fête en leur honneur. Je me suis joint à leurs efforts. Et pourtant, j’avais bien lu dans les regards que nos visiteurs échangeaient entre eux tout ce qu’ils pensaient réellement de mes hôtes et de leur village. Après tout, je n’étais guère différent à mon arrivée ici : présent moi aussi par nécessité diplomatique au milieu de créatures que je considérais à peine mieux que des animaux...

Après leur entrevue avec le sorcier-docteur, nos représentants souhaitèrent s'entretenir brièvement avec moi. La conversation de pure courtoisie fut brève, puis ils m’annoncèrent que je n’étais pas encore relevé de mes fonctions et devrais rester sur place le temps que la présence des Sin'Dorei dans la horde soit totalement normalisée, ou du moins devenue suffisamment habituelle pour être considérée comme telle.

Au moment où ils me quittèrent, je fus stupéfait par les phrases que je les entendis échanger entre eux. Leur étais-je à ce point devenu étranger ? Ils se comportaient comme si parler notre langue à portée de mes grandes oreilles toutes pareilles aux leurs ne me permettait même plus de les comprendre !

- "De toutes façons il vaudrait mieux qu'il ne revienne jamais.

- Je leur avais bien dit qu'ils choisissaient des représentants bien trop jeunes et inexpérimentés, donc trop perméables et influençables.

- C'est malheureux de voir ça, mais où qu'ils aient été envoyés, ils ont presque tous fini par devenir comme eux..."

Auraient-ils oublié que je n’avais jamais demandé à venir vivre ici ? Que je ne l’ai pas fait pour le plaisir mais pour être utile aux autres ? Ces autres qui ont honte de ce que je suis devenu aujourd’hui en cherchant simplement à faire ce qu’ils m’avaient demandé hier...

Les émissaires repartirent sans se donner la peine d’assister à la fête qui avait été organisée en leur honneur. Déception au village, où l’on aime tant sauter sur la première occasion de s’amuser.

Certains m’ont demandé si les Sin’Doreis étaient tous comme ça. Je leur ai répondu que j’étais là depuis trop longtemps pour en être tout à fait sûr, avant d’ajouter que puisque tout était prêt pour faire la bringue, nous aurions de toute façon tort de nous en priver pour si peu.

Mon entrainement au coté de Zufli-Maakali se poursuit. Nous accompagnons désormais les chasseurs ou les combattants pratiquement tous les jours afin de m'exercer sur le terrain. Shenshen regrette le temps où je pouvais rester pêcher les langoustes avec elle...

Même en dehors de la chasse, les occasions de combattre ne manquent pas: contre les centaures Magram, les Kal'Dorei de la Combe de Nijel, mais surtout contre les habitants de la forteresse de Thunderaxe et les démons du sud de Desolace. Ces derniers sont unanimement considérés par l'ensemble de la tribu comme nos principaux ennemis. Cela semble être également le cas des elfes de la Combe. Il en résulte une sorte d'accord tacite qui se concrétise bien souvent sur le terrain. Alors que les escarmouches ne sont pas rares quand nous nous croisons loin de toute autre menace, nous coopérons spontanément lorsque le hasard fait qu'on se retrouve ensemble face aux démons.
Au détour de nos conversations au coin du feu, j'ai appris que le sorcier-docteur avait combattu au Mont Hyjal, tout comme les parents de ma petite prêtresse, qui n'en sont d'ailleurs jamais revenus. L'ensemble de la tribu partage le même sens des priorités.

Lorsque Maakali et moi devenons des ombres, nos principaux moyens de régénération sont des sorts qui convertissent les blessures infligées à l’ennemi en énergie transmise à nos compagnons d’armes et nous-mêmes. Ainsi s’explique sa personnalité sanguinaire : nous ne sommes pas prêtres de cérémonie, mais de combat. Nous n’avons pas vocation à moisir dans un temple, mais plutôt à mourir jeunes en laissant nos os blanchir sur le terrain de chasse ou le champ de bataille.

Ma participation à ces affrontements quotidiens n'est cependant destinée qu'à approfondir des techniques que je dois d’abord expérimenter au village, dans un environnement plus calme et serein. Ma sombre prêtresse juge en effet hasardeux de me laisser directement innover dans le feu de l'action, en y testant des pratiques que je ne maitrise pas encore. L'ensemble du groupe de chasse ou de guerre ne doit pas être mis inutilement en danger par la présence d’un simple apprenti.

Mais parce que nos rituels exigent bien souvent de consommer l’énergie vitale de nos ennemis, mon entrainement hors du champ de bataille nécessite de sacrifier des prisonniers.
La première semaine, Maakali les attachait à un arbre, entaillait nos bras ou nos mains, puis me demandait de nous soigner sans quitter ma forme d’ombre. Par la suite, visiblement satisfaite de mes progrès, elle a commencé à rouvrir nos plaies à mesure que je les cicatrisais, afin de me contraindre à convertir une partie de l’énergie des captifs en mana, pour pouvoir continuer à nous régénérer au-delà de mes limites habituelles.
Ce récent exercice assouvit ma soif de magie bien plus efficacement que la ponction. Pourtant, j’y mets peu d’entrain et de conviction: autant je n’ai pas de scrupules à transformer nos ennemis en coquilles vides sur le champ de bataille et même à y achever les blessés qui cherchaient à nous tuer quelques instants plus tôt, autant je rechigne à faire la même chose sur des captifs dans un contexte où ils ne menacent plus directement nos vies. Quand bien même il s’agit toujours de combattants qui nous sauteraient immédiatement à la gorge s’ils n’étaient pas entravés...

La petite prêtresse en est bien consciente : en nous infligeant des blessures mineures qui ne nécessitent pas de tuer les prisonniers pour nous guérir, elle me permet de les ménager, de les épargner. Elle n’est pas satisfaite, et me reproche un excès de sensiblerie qui nuit à mon efficacité.
« Loen’jin, wha smadda ackee icense iman nehj », me dit-elle un matin. Elle tenait sa dague sacrificielle et me regardait d'un air triste et hésitant que je ne lui connaissais pas. Alors que je tendais les bras pour recommencer l’exercice habituel, elle m’ouvrit la gorge d’un geste sec!
« Mon pauvre, pauvre petit poulet sans tête. Cette fois tu as intérêt à courir plus vite que la mort ! », murmura-t-elle en reculant de quelques pas. Elle avait finalement décidé de m’infliger une blessure vraiment critique pour me contraindre à y aller à fond, et très vite: une poignée de secondes pour arrêter l'hemmoragie.

Et je le fis...

A peine vivant, incapable de tenir debout tandis que les captifs vidés de leur substance ressemblaient à des momies, j'aurais voulu la frapper, mais mes bras pesaient beaucoup trop lourd. J'aurais voulu l'insulter, mais ma gorge n'était capable d'émettre qu'un pauvre croassement. Qu'était-il arrivé à ma voix?

Au cours de l'épreuve qu'elle m'avait imposée, Maakali était restée imperturbable. Pourtant, en croisant son regard, je compris qu'elle était encore plus soulagée que moi. Elle s'efforça de conserver son calme, se contentant de chuchotter d'un ton froid: "pas si mal"...
Et puis elle m'enlaça pour m'aider à me relever. Après l’avoir entaillée, elle glissa sa langue dans ma bouche remplie du goût de mon propre sang, pour y mêler le sien.

Or'manlEy worl smadda fu deh wi'mek worl deh'yo iman caan ackee. Fidong wassa ackee machette ackee iyaz oR'manley?


Dernière édition par Loendryl le Mer 24 Sep 2008 - 10:34, édité 1 fois
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Message  Loendryl Mer 6 Fév 2008 - 18:28

Voilà maintenant dix mois que je n'ai plus rien écrit en ces pages, ni même ouvert ce journal. A quoi bon, d'ailleurs? Depuis leur visite, je doute de la capacité des miens à en comprendre le contenu.
Dix mois après notre intégration officielle dans la Horde, les relations sont devenues à peu près habituelles. Ils ont eu ce qu'ils voulaient. J’étais venu pour ça. C'est la seule chose qui ait jamais compté.

Mes carnets de voyage s'arrêtaient sur une histoire de sang. Ils reprendront donc sur une histoire de sang qui sera aussi la dernière. C'est toujours ainsi que les choses commencent et s'achèvent.

Conformément aux traditions en usage dans la tribu, le jour de l'inhumation d'un défunt, tous ceux pour qui cette personne comptait s'entaillent l'intérieur de la main et versent leur sang sur sa tombe. Je suppose qu’il s’agit d’une manière symbolique de montrer qu'une part de nous meurt avec l'autre, ou quelque chose comme ça. De toutes façons je m'en fous un peu.
Pour ne pas fâcher le mort, la plaie ne doit ensuite faire l'objet d'aucun soin magique. Elle suit simplement son évolution naturelle au rythme du deuil, cicatrisant lentement dans la plupart des cas, s'infectant ou se rouvrant sans cesse dans d'autres. Bien que cela soit rare, il arrive même que certains meurent dans le sillage du précédent défunt, au cours des jours ou des semaines qui suivent. En ce qui me concerne, j'ai sans doute taillé un peu trop profondément dans mes chairs, et je crains de perdre l'usage de plusieurs doigts. Mais la plaie est saine.
On verra bien...

Habituellement, c'était à Maakali que revenait la tâche de fermer les yeux des défunts. Comme elle faisait aussi office de sage-femme au village, on peut dire qu'elle était ici celle sur laquelle les yeux s'ouvraient et se fermaient pour la première et la dernière fois. Mais aujourd’hui qu’elle n’est plus, c'est moi qui ai été désigné pour refermer les siens juste avant le rituel du sang.

Je ne suis pas triste, car je sais qu’elle continue à avancer autrement le long de la voie qu'elle avait choisie, et qui est désormais devenue la mienne. Cela m'arrivera un jour. Personne ne devra alors en être malheureux.
Sans doute me dirait-elle de profiter de chaque jour comme si s'était le dernier. C’est ainsi qu’elle aurait continué à vivre si nos rôles avaient été inversés, et elle aurait eu raison. Je ne dois pas être pressé de la rejoindre. Cela finira forcément par arriver.

Ironie du sort, c'est aujourd'hui que j'ai reçu une lettre de Silvermoon, m'informant que j'étais officiellement relevé de mes fonctions mais qu'on n'avait aucune autre tâche à me confier et que je n'étais absolument pas tenu de rentrer.

J'ai alors songé à toutes les personnes que j'avais connues et perdues là bas. Mes soeurs, mes amies: Fîriel, Sérindë, Farnusphir, Caiomhe... Qu'étaient-elles devenues? Au village, nous savions tous que même si les choses s'étaient passées autrement, j'aurais fini par retourner vivre parmi les miens alors que Maakali n'aurait jamais quitté sa tribu. Elle l'acceptait aussi: chaque jour comme si c'était le dernier...

En passant par Orgimmar, je suis tombé par hasard sur une fille qui avait étudié en même temps que moi au séminaire de la Lumière de Silvermoon. Elle était vêtue à la mode orque, et visiblement enceinte. Comme il me restait du temps à tuer en attendant ce foutu zeppelin, nous avons bu quelques verres en discutant du passé.

J'appris qu'elle aussi avait été autrefois désignée comme représentante de notre peuple, passant ces dernières années au sein du clan Warsong. Elle me présenta son mari, un fier et puissant guerrier à peau verte qui me fit une excellente impression. Tous deux n'étaient que de passage à Orgrimmar pour rendre visite à des compagnons d’armes, et s'apprêtaient à retourner à Ashenvale, où elle avait décidé de rester vivre avec son époux et leurs futurs enfants.
Nos expériences n'ont certainement pas eu grand chose à voir, parmi des tribus et des peuples différents, éloignés géographiquement. Mais étrangement, nous nous sommes sentis bien plus proches aujourd'hui qu'autrefois, lorsque nous usions pourtant le fond de nos robes identiques sur les mêmes bancs, en suivant les mêmes cours au même endroit...

L'heure passant, nous sommes repartis chacun de notre coté, sur des vœux d’avenir en orc et en zandali. Le zeppelin qui me ramènera parmi les miens ne devrait plus tarder, et je me demande ce qui m’attend de l’autre côté de l’océan.

Loendryl referma son journal en sentant la secousse du zeppellin qui s’arrimait à la tour de Tirisfal.
"Enfin chez moi", songea-t-il alors que son regard parcourait les sombres plaines, s'arrêtant finalement sur les remparts de l'ancienne Lordaeron. "Enfin presque…"
Voyant son compagnon de voyage mettre un pied peu assuré sur la passerelle, le jeune prêtre sauta directement du haut du zeppelin pour le semer enfin tout en évitant la tentation de le bousculer "par hasard"

Il leva à plusieurs reprises une main hésitante, s’apprêtant à chaque fois à la poser sur le téléporteur avant de la baisser à nouveau.
"…Et je me demande ce qui m’attend de l’autre côté de l’océan", murmura-t-il en la relevant tandis qu’il glissait l’autre dans son sac afin de la poser presque tendrement sur le crâne de sa première victime, qu’il avait tenu à emporter avec lui.
Ce n’est qu’en voyant approcher le grotesque énergumène qui avait voyagé en sa compagnie que Loendryl décida de la poser enfin sur l’artefact qui le ramènerait chez lui en murmurant d'une voix douce:


"On verra bien."
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