[Récit-scénario] Un antique testament

Un antique testament




Chapitre 1 : " Ma voix est un écho des profondeurs … "




Les vagues se brisaient avec force sur les roches de la côte, et des nuages noirs et lourds emplissaient le ciel. Le temps était tempétueux, comme c’était l’habitude au Darkshore. Syldur n’aimait pas cet endroit gris, froid, venteux, abandonné de la lumière de l’éternel soleil, et surtout, une terre habitée par les elfes de la nuit. Le mage elfe de sang fixait la surface de l’eau, espérant qu’il n’aurait pas à attendre longtemps encore.

Son vœu fut soudainement exaucé. Une silhouette creva la surface aqueuse, et sortit de la mer, se dirigeant vers lui. Son corps aux courbes féminines recouvert d’écailles bleu-gris se terminait en une longue queue serpentine qui ondulait sur le sol au gré de son avance. Sa tête au visage plutôt séduisant été ornée non pas de cheveux mais de plusieurs crêtes. Un sourire mi-séducteur mi-moqueur trônait sur ses lèvres.

- Vous êtes en retard, prêtresse naga, lui lança l’elfe.
- Oh, j’en suis navrée, magistère, répondit la créature en faisant la révérence.

Son sourire prit un air encore plus moqueur.

- Salut à vous, ô frère Bien Né. J’espère que ces bâtards de Kaldorei ne vous ont pas posé problème ?
- Pas plus que d’habitude. Vous l’avez ?
- Toujours droit au but, magistère, sourit la naga.

La prêtresse plongea sa main dans un sac couvert d’algue et de crustacés, et en ressortit une petite statuette de pierre blanche. Celle-ci représentait une sorte d’ammonite, aux tentacules enroulés sur elle-même. Le détail et la précision de la gravure avaient quelque chose de fascinant mais à la fois d’effrayant. Quel artiste pouvait avoir imaginer un tel monstre avec autant de réalisme et de détails. L’elfe de sang ne put réprimer un frisson en prenant l’objet dans ses mains. Toutefois, il sentit de suite que la naga n’avait pas menti sur les propriétés de l’artefact. Il suintait la magie comme peu d’objet en ce monde.

- Avec ça comme source de magie, je suis sûr que vous parviendrez à bien des choses dans votre quête pour étancher votre soif mystique, jeune elfe de sang.
- Mmh, cet objet est fascinant, en effet, répondit le mage en faisant tourner la statuette dans sa main, l’observant sous toutes ses coutures. Puissiez-vous avoir raison, naga. Quand à ma part du contrat …

La prêtresse le coupa.
- Ne vous en faites pas pour cela, mon cher ! Je vous recontacterai bientôt à ce sujet… Très bientôt.

La naga poussa une série de sifflement serpentin, qui devait être une sorte de rire, ou qui, en tout cas, sonnèrent moqueusement aux oreilles de Syldur.

- Bien ! Une bonne chose de faite, mage ! Puisse votre sang Bien Né vous guider dans votre quête …
- Que le Soleil éclaire votre route, prêtresse…

Les formules de politesses échangées, la naga s’en retourna dans l’eau, où elle plongea avec grâce, et disparut bien vite sous les courants sombres et tumultueux du Darkshore.

Syldur resta un moment sur la berge, à contempler et étudier la statuette. Indubitablement, c’était un objet étrange et obscur, dont l’origine l’intriguait, mais une vraie pile arcanique, pulsant d’énergie magique. Voilà qui s’annonçait prometteur pour la suite de ses expériences.

Après ces rapides constatations, le mage de sang enfourna l’artefact dans sa besace, et s’empressa de disparaître dans la forêt, priant pour ne pas tomber sur une patrouille de Sentinelles …

Chapitre 2 : murmures



Syldur souriait. L’expérience avait portée ses fruits bien plus loin qu’il n’avait osé l’espérer. Il contempla son œuvre : le sol de son laboratoire de Quel’Drassil – une construction thalassienne aménagée dans le plus pur style des arcane sanctum elfiques - était couvert d’écritures et de dessin, un réseau complexe de runes, de lignes et de cercles magiques, au centre duquel trônait l’étrange statuette à forme de mollusque. Il avait ainsi créé une matrice magique qui concentrait et drainait les courants arcaniques avec une facilité et une efficacité déconcertantes.

Toujours le sourire aux lèvres, Syldur s’assit devant un large bureau en désordre, couvert d’ustensiles magiques, se saisit d’un grimoire et d’une plume, et commença à noter les résultats très satisfaisant de cette expérience. Le don de la naga se montrait à la hauteur de ses espérances, voir plus. Il était déjà capable de créer avec ça des cristaux de mana d’un potentiel de haute qualité.

Syyyylduuuur …

L’elfe releva la tête de son livre. Qui avait murmuré son nom ? Syldur balaya la pièce du regard. Non, il était bien seul. Décidemment, trop travailler commençait à lui jouer des tours. Il se promit de faire une pause après avoir finit son rapport, et se remit à sa rédaction.

… Syyyylduuur… Blooooodteaaars …

L’elfe sursauta au second murmure. Cette fois-ci, la curiosité laissa place à une légère angoisse. Un petit frisson glacé lui parcourut l'échine, alors qu'il tourna rapidement la tête dans la direction d’où lui semblait être provenu le deuxième chuchotement. Le mage ne vit que le sol du laboratoire… au milieu duquel trônait la petite statuette de pierre, qui lui faisait face. Syldur fronça les sourcils. Puis, soudainement, une horrible douleur se mit à raisonner dans son crâne. Le mage se saisit les tempes d’une main, grimaçant de souffrance.

« Je… je crois que je ferais mieux de faire une pause... Prendre l’air… Travailler toute la journée enfermé ne me réussit plus … »

Le mage ferma son grimoire, et sortit sans autre manière, sous les yeux sans vie de la petite statuette de pierre …

Chapitre 3 : un requiem pour nos âmes



Le lieutenant Jennalla Summerwell, la responsable de la sécurité du bastion de l’île Quel’Drassil, venait de regagner sa chambre. Il était déjà passé minuit, et, comme chaque nuit, l’officier s’était assuré que la garde de l’île était bien relevée, et que tout se passait comme prévu. Vannée, elle s’extirpa de son armure rouge et or, et s’assit un instant sur son lit.

Son sang ne fit qu’un tour, et un frisson glacé l’ébranla de la tête au pied quand un rire dément s’éleva, strident, à travers la citadelle. Un rire de fou, semblant venir des tréfonds du bâtiment, qui fut suivi peu après d’un éclat de sanglot tout aussi dérangé.

« Encore ! C’est la troisième nuit que ça arrive ! » s’écria la guerrière elfe.

Fronçant les sourcils, elle se releva, se saisit de son épée et sortit de sa chambre, l’air déterminé.

« Cette fois-ci… J’en aurais le cœur net ! «

L’elfe parcourut à toute vitesses les couloirs vides, à la lueur des torchères qui brûlaient encore. Arrivée devant la chambre de Syldur, elle remarqua que la porte de celle-ci baillait légèrement, visiblement entrouverte. Cela n’avait rien d’étonnant que le mage fut encore debout à cette heure-ci ; il aimait mener ses expériences arcaniques jusqu’à tard dans la nuit. Mais généralement, il s’enfermait à double tour et ne laissait pas négligemment la porte ouverte ainsi.

« Messire Bloodtears ? » lança l’elfe, alors qu’elle poussait doucement la porte.

Aucune réponse. La porte s’ouvrit sur la chambre vide du mage. Personne. Pas de trace de Syldur. L’elfe tiqua quand elle remarqua l’état du bureau du mage. Elle le connaissait pour être une personne vraiment chaotique et désordonnée, vivant à l’aise dans ses montagnes de choses mal rangées. Mais là ! Ca dépassait tout ce qu’elle avait vu. Le bureau était devenu littéralement une pyramide de paperasse, recouverte de parchemins et de papier en tout genre.

Jennalla s’approcha et se saisit d’une liasse de ces papiers, qu’elle examina rapidement. Les parchemins étaient recouverts de l’écriture de Syldur, mais celle-ci était incroyablement frénétique, pratiquement illisible, comme si le tout avait été écrit dans la panique. Certains passages étaient en thalassien, d’autres dans une langue inconnue à Jennalla – d’autre simplement illisibles. Les rares passages en langue elfique semblaient incohérents, obscures aux yeux de l’elfe. Syldur parlait des « voix qui résonnaient dans sa tête », des « anciens qui les regardaient depuis l’autre côté du voile de la réalité », du « temps qui était venu pour leur retour » … Des illustrations faites par le mage accompagnaient ses textes, des croquis bizarres, dérangeants, d’anatomies d’hommes et de créatures disséquées, de sortes de monstres marins, tel des pieuvres ou des amonites, ou encore des cartes du ciel, des diagrammes obscures... Certains croquis évoquaient d’étranges humanoïdes possédant des tentacules sur le visage.

Jennalla fronça les sourcils en parcourant tout cela.

« Ca n’a aucun sens ! »

L’elfe reposa les papiers, ressorti de la pièce, et continua sa course folle. Le laboratoire de Syldur, là, elle serait certaine de le trouver. Un laboratoire qui se situait justement… au sous-sol de la forteresse.

Une fois arrivée là, Jennalla trouva également la porte de la pièce négligemment ouverte. Elle la poussa lentement, pour faire le moins de bruit possible, et s'y glissa en silence.

Le laboratoire, en apparence désert, était plongé dans une pénombre inquiétante. La seule source de lumière venait d’une série de bougie qui étaient alignées dans un coin de la pièce autour d’un pied d’estal étrange, sur lequel trônait… une mystérieuse statuette de pierre blanche, ressemblant à un mollusque … Tel un autel dédié à une divinité obscure et malveillante.

« Qu’est-ce que … » murmura Jennalla, alors qu’elle s’approchait de cet étrange arrangement.

La douleur lui arracha un cri perçant quand elle sentit un trait de feu la percuter dans le dos. L’elfe roula au sol, lâchant son épée. Quand elle redressa la tête, elle vit approcher une silhouette inquiétante.

C’était un elfe, habillé d’une étrange robe noire en haillon, les bras, le torse et le visage couverts d'obscures peintures semblables à une écriture ou à des runes. Il progressait vers elle à pas lent, un bâton dans la main. Son visage livide semblait ravagé par la fatigue, des énormes cernes cerclant ses yeux au regard vide. Ses cheveux blonds, gras et décoiffés, tombaient en désordre autour et sur son visage, lui donnant un air mystérieux et sinistre.

Mais Jennalla le reconnut malgré ce changement flagrant.

« Sy… Syldur ? »

« Quand je pense qu’autrefois, je ne pouvais voir derrière le fragile voile de notre réalité, déclama Syldur tel une litanie obscure, pour voir ceux qui résident au-delà … Ma vie a à présent un sens, car j’ai appris de la fragilité de la chair et des os ! … J’étais autrefois… un imbécile . »

Syldur, dominant de toute sa taille la guerrière couchée au sol, la fixait d’un regard vide, sans émotion, excepté une étincelle de folie qui brillait au fond de son esprit. Le mage leva son bâton au-dessus d’elle.

« Syldur, non ! Qu’est-ce que vous faites !!? »
« … La fin est proche. Le Marteau… va tomber ! »

Syldur abattit violemment son arme sur l’elfe, qui n’eut le temps que de crier sa terreur.