Les Fils de Quel'Thalas
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Message  Falrhen Ven 27 Fév 2015 - 18:02

Voilà, pendant mon absence j'ai eu le temps de réfléchir un peu aux grandes lignes du background de Fal' et je me disait qu'il serait temps de les mettre par écrit. Après tout il en parle assez peu en rp alors que certains aspects sont largement pris en compte par le perso et Atia. Cependant je n'ai pas la fibre pour écrire les backgrounds d'un coup, qui se tissent au fur et à mesure. Donc je préfère livrer ici quelques textes qui sont davantage des épisodes qu'un suivit chronologique.

N'hésitez pas à donner votre avis, car même si je pourrais les ajouter à la fiche du perso, ce sujet est bel et bien pour recevoir des conseils et des opinions, et pour réécrire un peu les récits si nécessaire ^^
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Message  Falrhen Ven 27 Fév 2015 - 18:07

La nuit venait de tomber sur la capitale, plongeant les rues dans la pénombre – et tout particulièrement cette allée dont les hautes bâtisses de marbre voyaient leurs sommets reliés par d’immenses draperies. Ces dernières plongeaient le pavage de la ruelle dans une ombre omniprésente et, privée de la lumière des étoiles la nuit, le chemin était le repaire favori des coupe-gorges. Toutefois, seuls les imprudents et les personnes ayant beaucoup d’ennemis y risquaient davantage que leur bourse. A cette époque, ce danger était le cadet de mes soucis et je m’en croyais bien loin : mon problème le plus concret était d’avoir faussé compagnie à mes précepteurs et à ma famille pour le dîner de ce soir.

Je gagnai l’ombre des bâtiments, me faufilant derrière les divers abris qui parsemaient mon chemin. Quelques groupes de jeunes godelureaux brayaient en se dirigeant vers la taverne en contrebas de l’allée. Un brouhaha léger sortait déjà de l’entrée de l’établissement et l’accès était gardé par un alcoolique déjà mis à bas par la boisson, vautré dans sa bile poisseuse. Je pris soin de m’éloigner le plus possible du trajet emprunté par mes confrères avides de vin et passait l’arche monumentale gardée par un portrait de notre Prince, fuyant vers l’ouest. Arrivé au bazar, passer inaperçu se révéla d’autant plus facile : lorsque je devais quitter un couvert, ce n’était que pour me mêler à la foule dense qui progressait par vague autour des étalages. Bien qu’invisible, la lenteur de ma progression soumise au mouvement général de la troupe avait le don de m’exaspérer. Il me fallut bien une dizaine de minutes pour parvenir à la grande porte ouest. Bien qu’ouverte, celle-ci était gardée par un contingent de gardes. Je resserrai ma cape autour de mes épaules et m’avançait en gardant le visage rivé vers le sol. Arrivé à leur niveau, je hochai très brièvement la tête pour les saluer. Tels des statues, seuls leurs yeux avaient bougé mais je savais qu’au moins deux d’entre eux étaient en train de m’observer. Toutefois, en dépit de mon épée à la ceinture, je ne présentais aucun risque pour la cité. Et voyager avec une arme était chose courante pour se défendre. Ils me laissèrent donc franchir le portail sans qu’un seul mot ne fût échangé. J’arrivai donc sur un gigantesque boulevard. Aussi large que deux maisons côtes à côtes, son centre était délimité par de grandes arches décorées de statues en marbres indiquant la voie vers l’île de Quel’Danas et la merveille de notre pays : le puit de soleil. Plusieurs caravanes progressaient à vive allure, le flux de voyageurs empruntant cette route était ahurissant. Les soldats étaient encore plus nombreux qu’en ville pour protéger le trésor de notre peuple et des balistes formaient comme des rangées d’honneur à intervalles réguliers. Ayant quitté les hauts-quartiers de la cité, je pouvais à présent me hâter sans craindre d’être vu ou reconnu. Je traversai ce chemin à grande enjambées, ma cape voletant derrière moi. A deux reprises je failli heurter un convoi, tant mon empressement était grand. Mais je parvins de l’autre côté de la brèche en un seul morceau et franchit une nouvelle double porte colossale pour pénétrer dans les quartiers moins riches de la ville.

L’endroit comptait bien plus de jardins et de verdure que la zone autour de la Flèche principale. Néanmoins, sanctums et bâtiments militaires y avait éclot également. L’un d’eux était mon objectif ce soir, se découpant par-dessus la végétation des jardins. Conçu à l’image de tous les avant-postes des forestiers, celui-ci présentait une architecture très ouverte, et d’immenses arcades donnaient accès au hall principal au centre duquel brûlait un feu de joie dans un grand braséro doré. Près du feu, divers combattants discutaient entre eux, certains en affûtant leurs armes ou en fixant l’empennage de leurs flèches. Lorsque j’approchai d’une des entrées, passant sous une statue de phénix dont les ailes ouvertes épousaient l’arcade, l’un des pérégrins me reconnut et me fit un signe de la main. Je souris en réponse et rejoignit celui qui fut mon ami le plus proche lors de mes années de service. Il portait un long manteau de peau bordé de quelques touches de fourrures sur ses pans. Des plaques de cuir lamellé et gravé de filigranes en argent recouvraient l’intégralité de ses bras et de ses jambes sans entraver ses mouvements le moins du monde. Ses cheveux châtains étaient plus longs que dans mes souvenirs, sans doute laissés à pousser une fois les brimades des recrues oubliées. Il les avait tressés en une épaisse natte qui lui descendait entre les omoplates. Son visage semblait aussi plus buriné, bien que son sourire goguenard fût toujours présent. Il était également plus hâlé et ses yeux d’un bleu profond n’en ressortaient que davantage. Lorsque j’arrivai, il mit de côté son ouvrage sur la corde de son arc et se leva pour me donner une brève accolade.


« Mon ami, ça me fait plaisir de te revoir ! Comment te portes-tu depuis tout ce temps ? »

« C’est une joie également » répondis-je avec toutefois moins d’allant. Mon plaisir était réel, mais la raison de ma venue devait s’impatienter. « Je tâche d’apprendre à me défendre contre un tout autre ennemi mon ami : les comptes de la famille. C’est presque aussi douloureux que l’escrime, mais pour un autre endroit. »

« Tu peux toujours revenir parmi nous. Si mes souvenirs sont bons tu ne t’en tirais pas trop mal avec une épée dans les mains, et c’était souvent plus douloureux pour les autres que pour toi-même. D’ailleurs Deliah garde encore une sévère rancune, je l’éviterais à ta place. Même si je sais que tu as parfois des mœurs étranges et personnelles dans ta couche, cela serait trop même pour toi. »

« Un conseil avisé, mais qui ne me sera guère très utile : ce n’est pas Deliah que je viens voir ce soir. »

Son sourire s’élargit et il se rapprocha pour me confier à voix basse.

« Toujours entiché d’elle ? Elle a désormais un compagnon sais-tu, tout comme tu es lié également. Du moins en théorie.»

Je conservai un visage impassible. J’étais au courant de la nouvelle depuis qu’elle était arrivée. Nos deux familles avaient toujours été contre ce rapprochement et s’étaient remarquablement coordonnées pour nous entraver. Deux unions arrangées, décidées presque simultanément pour s’assurer de nous prendre de court et nous interdire toute cérémonie. J’ignore encore la raison qui avait poussé les Shan’Talah à me refuser la main de leur fille, mais dans mon cas il était clairement question d’intérêt commercial. Mieux valait tirer parti d’un mariage pour forger des liens utiles plutôt que gaspiller cette chance en vains sentiments. Dans les faits je pouvais comprendre cette logique, surtout pour un peuple dont les membres sont aussi éternels que les noms de leur famille. Néanmoins j’étais trop rebelle à cette époque pour à la fois accepter une décision et m’y contraindre. Ainsi, j’avais cédé devant les obligations à titre officiel mais cette nuit était une nouvelle preuve que je ne pouvais m’y plier officieusement. Alors même que je songeai à cette situation, je su que mon ami avait déjà tout compris. Il était au courant de ma triste idylle et m’avait toujours soutenu à ce sujet, quels que soient mes choix.

« Tout ceci n’est qu’une mascarade et tu le sais. Tant que le spectacle théâtral est remarqué et respecté, qui s’intéresse à ce qui se dissimule derrière ? »

Il hocha légèrement la tête et me fit signe de le suivre à l’extérieur de la Retraite. Nous contournâmes le poste pour rejoindre un petit enclos dans lequel étaient attachés plusieurs faucons-pérégrins en train de picorer un mélange de graines et de viande dans leurs mangeoires. J’attrapai une selle et la fixai solidement sur l’un des oiseaux au plumage flamboyant tandis que mon ancien frère d’arme faisait de même. Mon animal ne daigna pas se détourner de son repas pendant que je le préparais, mais il restait sublime. Ses longues plumes chatoyaient à la lumière des étoiles, me faisant penser à des braises rougeoyantes en train de s’étouffer. A la lumière du soleil, sa parure devait être magnifique. Par une conscience qui m’époustouflait toujours, le rapace abandonna sa nourriture d’un air digne à l’instant même où j’eu fini de sangler le dernier équipement, comme s’il attendait simplement de remplir son rôle de monture au moment adéquat. Jetant un regard à mon compagnon, je vis qu’il était prêt également et nous enfourchâmes les oiseaux. D’une talonnade, il fit démarrer le sien qui s’élança à grande enjambées et je me hâtai de le suivre avec mon propre faucon. Nous filâmes rapidement, suivant la route principale pavée et traversant la porte jouxtant la petite place et sa fontaine, pour nous retrouver dans les bois.

Les serres du faucon arrachaient quelques mottes de terre et soulevaient les feuilles mortes lors de son passage. Il se faufilait entre les arbres avec une fluidité surréaliste en suivant son confrère dans la forêt, longeant finalement la rivière pendant quelques minutes avant que mon guide ne ralentisse. Il leva le poing fermé, signe de m’arrêter en silence et nous glissâmes de selle en laissant nos faucon progresser, bride tenue. Il regardait fébrilement autour de lui, surveillant les alentours à la recherche du moindre bruit ou mouvement. Je me rendis compte que j’en faisais de même par instinct, mes oreilles tiquant à chaque petit son provenant des bois. Nous avançâmes de quelques mètres en évitant soigneusement les feuilles et les branchages au sol, et j’aurais pu jurer que notre progression fut celle de deux ombres. Une petite voix en moi s’enorgueillissait de constater qu’après tous ces mois et ces nouvelles leçons de bureau, mon corps n’avait en réalité rien perdu de ses capacités pour la discrétion. Cependant rien n’est plus aisément blessé que l’ego, et deux ombres ne peuvent rien contre un fantôme. Alors que je le voyais seulement esquisser le geste pour attraper sa lame en réponse à une menace potentielle, la jeune femme était déjà sur lui.  Surgie en l’espace d’un battement de cil, elle avait son avant-bras droit pressé contre la gorge de mon compagnon, en étau entre elle et l’arbre lui ayant servi de perchoir. Son autre bras était tendu vers moi et une fine épée pointée d’une façon menaçante dans ma direction. Plus aucun de nous de bougea durant quelques secondes, même les faucons s’étant figés sans comprendre cet assaut soudain. Puis, avec un petit rire grave, notre agresseur baissa les armes et s’écarta de nous d’un pas en nous laissant la dévisager. Mon ami feint de se renfrogner.


« Quel accueil Elensia ! J’amène bien aimablement ton cavalier de la soirée et tu nous agresse en guise de bienvenue ? »

« Quelle agression, vous êtes toujours indemnes non ? En dépit du fait que l’ascension sociale a l’air de vous émousser, tous les deux. » Elle repoussa son capuchon pour dévoiler d’autant mieux le sourire goguenard qui étirait ses lèvres. Tel un papillon qui déploie ses ailes colorées en sortant de son cocon, ses cheveux roux s’épanouirent hors de sa cagoule  sombre en recouvrant ses épaules. Ses yeux nous fixaient avec amusement, tels deux lagons dans lesquels je me perdais à chaque fois.

« Evite de prendre la grosse tête parce qu’une amie nous a pris au dépourvu en se cachant lors de son rendez-vous. Et au moins j’eus fait preuve de réflexes, regarde ton soupirant n’a même pas bougé. »

« Il aura l’occasion de se rattraper plus tard, contrairement à toi. » Répliqua-t-elle en me lançant une œillade. Depuis que nous nous connaissions, elle s’était accoutumée à mes périodes de mutisme et savait que je n’en étais pas moins bien attentif. Je répondis à son sous-entendu avec un sourire mutin, bien soulagé en vérité que les machinations de nos parents respectifs ne l’aient pas rendue plus distante. Il est vrai toutefois qu’elle était la plus indomptable de nous deux et en moi-même je me reprochai de l’avoir imaginée s’éloigner. Je me tournai ensuite vers notre ami commun et inclinai humblement la tête pour le remercier de m’avoir conduit jusqu’à elle. Il me répondit d’un même geste.

« J’ai encore du travail dont je dois m’occuper avant la fin de la nuit. Que celle-ci vous soit agréable, et à une prochaine fois. » Et sur ces mots, il fit demi-tour et s’en alla sans un regard derrière lui, comme s’il se désintéressait totalement du fait d’aider puis d’abandonner deux personnes à leur adultère. Elensia haussa les épaules et se détourna également pour m’approcher et finalement s’éloigner en direction de la berge, m’invitant silencieusement à la suivre. Je lui emboitai le pas et nous marchâmes un moment avec pour seul bruit le clapotis de l’eau courante contre la roche. Je ressentais une certaine tension entre nous durant ces instants. A l’évidence nous avions autant envie l’un que l’autre de nous comporter aussi librement qu’autrefois, mais notre conscience se faisait désagréablement remarquer alors que fraudions déjà en nous rencontrant ce soir.

« Navrée pour cette petite blague, mais vous étiez en retard et je m’ennuyais. J’ai décidé de vous surprendre un peu malgré le fait que notre rendez-vous était arrangé. J’imagine que c’est ton père qui t’as retenu ? »

« Mon précepteur qui a tenté de me faire entendre raison. Mon père est parfaitement au courant de nos petites escapades, et j’en payerai le prix tôt ou tard, mais pour l’instant il se contente d’afficher l’image que tout se déroule comme il se doit. C’est certainement lui qui a demandé au précepteur de me retenir sans avoir à intervenir directement, cela lui ressemble bien. »

« Je te connais bien, si tu es en retard c’est que ses remontrances ont fini par trouver un point faible quelque part en toi, n’est-ce pas ? Au début de leur complot pour nous éloigner, tu n’en faisais qu’à ta tête peu importe leurs discours. »

Je tachai de demeurer de marbre, mais ses suppositions aussi douteuses soient-elles étaient fondées. En vérité je craignais davantage pour elle que pour moi, et je redoutais les moyens détournés qu’emploierait mon père s’il s’avérait que je ne dissimulais pas assez aux yeux de tous mes infidélités, tant à mon épouse qu’à mes devoirs. Mais pourtant, je n’osais repousser mon amour véritable même pour la protéger. J’étais plutôt enclin à dissiper ses doutes et je passai un bras autour de sa taille pour trancher brutalement cette tension qui nous repoussait ce soir.  Elle se laissa faire et ralentit légèrement le pas pour que nous puissions progresser en rythme tous les deux. Néanmoins, elle conserva un air préoccupé et je voyais qu’une angoisse pesait lourdement sur son cœur. Était-elle toujours craintive que je ne l’abandonne ?

« Es-tu à ce point contrariée par mon arrivée tardive?

Elle se mordit légèrement la lèvre avant de répondre. Levant son visage et son regard turquoise vers le mien.

« Je voulais profiter pleinement de cette nuit. Mes parents ont avancé l’union avec mon prétendant pour qu’elle s’organise dès la semaine prochaine… A ma demande. » Voyant mon expression tour à tour dubitative puis incrédule, elle tenta de s’expliquer. « J’ai mes raisons de vouloir en finir avec cette sinécure au plus vite. Et surtout je dois penser à quelqu’un de plus important que toi… »

Je ne compris pas immédiatement et mon indignation s’enflamma tout d’abord autant que ma jalousie. Certes le soupirant de mon aimée provenait d’une famille relativement importante, voire influente au niveau militaire pour les Pérégrins dont faisait partie Elensia ; mais de là à accélérer les préparatifs du mariage pour faire bonne figure auprès de sa belle-famille…

« Et tu me reprochais ma ponctualité sous prétexte que ma famille parvenait petit à petit à nous éloigner ? »

Elle écarquilla les yeux un très bref instant face à la bassesse de ma répartie. Mais je vis qu’elle prenait pitié de mon ressenti. Elle secoua alors doucement la tête et porta la main à son ventre. J’en restais interdit et papillonnai des yeux au moment où je compris enfin. Le tumulte de mes pensées se libéra d’un coup et je manquai de chanceler. Elle m’accorda un petit sourire compatissant et un peu amusé en voyant ma réaction, et je vis qu’elle sondait mon esprit en cherchant à interpréter mes réflexions. Affichant un nouvel air désolé, elle secoua doucement la tête en devinant que je songeais à nos opportunités pour cet enfant. Je passai malgré tout en revue toutes les possibilités, mais chaque fois l’image de mon père et sa menace pernicieuse s’imposait comme conclusion. Peut-être l’avait-elle déjà compris, ou bien faisait-elle face au même type de danger de l’autre côté. Je poussai un profond soupir, comprenant que son plan pour consommer le mariage au plus vite et faire passer l’enfant pour légitime se révélait être la meilleure option pour lui.

« As-tu déjà songé à son nom ? »

« Je suppose que mon futur époux aura son propre avis… Mais je pensais à Falrhen. »


Dernière édition par Falrhen le Jeu 30 Avr 2015 - 11:00, édité 1 fois
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Message  Falrhen Mer 22 Avr 2015 - 16:10

Je franchis la Porte du Berger en retenant mon souffle, levant la tête à la décrocher de ma nuque pour embrasser du regard l’intégralité de la statue de notre Prince. Rares étaient les fois où je pouvais me libérer de mes tâches pour accompagner l’un de mes parents dans la capitale, et j’en revenais toujours émerveillé par les prouesses architecturales des mages ayant « construit » la cité. Une forte impression montait en moi en dépassant le colosse doré et peu avenant qui montait la garde à l’entrée, mais je me bornais à le contempler le plus longtemps possible pour le défier du regard.

« Falrhen, ne traine pas. »

« J’arrive Minn’da ! »

Je regagnai le côté de ma mère alors qu’elle marchait à grande enjambée au milieu du boulevard. Quelques citoyens la saluaient d’un signe de la main auxquels elle répondait par un mouvement de tête en souriant, mais sans prendre le temps de ralentir pour discuter, à mon grand regret. Nos passages en ville se déroulaient toujours de la même manière, et je ne disposais que de peu de temps pour en découvrir les secrets.

[...]

Je fis le tour des étals d’un œil pétillant, mais bien vite la foule du bazar devint trop étouffante et je ressenti une frustration grandissante à voir ma progression entravée par les badauds qui lorgnaient et marchandaient les biens mis en vente. Ces ancêtres avaient tout leur temps pour eux, après des décennies voire des siècles d’existence, mais ma curiosité et ma soif de découverte ne pouvait se satisfaire de leur rythme. L’énergie de mes quelques années bouillonnait en moi et j’avais l’impression de chercher à m’étirer sans y parvenir, rongeant mon frein en attendant de me faufiler entre les gens.  Mon échappatoire me conduisit à la sortie du bazar, où se rejoignaient la Promenade des Anciens et le portail vers l’Allée du Meurtre. Je me remémorais très bien l’avertissement de ma mère, et pourtant une voix dans ma tête m’incitait à faire fi de ses conseils pour braver les dangers potentiels de l’endroit. Quel héroïsme dont je pourrais me vanter auprès de ma petite sœur !, me dis-je. Et sans prendre plus de précaution, je m’enfonçai dans l’allée sombre.

Après la débauche de lumière des autres quartiers de la ville, j’eu l’impression d’être plongé dans le noir en débarquant sous les draperies qui surplombaient la ruelle. En dépit de leur acuité nocturne, il fallut quelques secondes à mes yeux pour s’habituer à cette ombre. Mon nez aussi me fit part de sa surprise : déjà, une étrange odeur emplissait l’espace de l’allée – certe grande mais confinée – mélange d’encens, d’herbes, d’alcool et d’autres odeurs jusqu’alors inconnues et caractéristiques de stupre. Humant ces étranges découvertes, je situai leurs sources dans plusieurs bâtiments dont les entrées étaient à peine constituées d’une arcade surmontée d’une tenture. De certains d’entre eux émanaient des rires, gras et vulgaires. Certains bruits étaient plus haut perchés mais tout aussi avilissants.  
Je remontai une pente en longeant les murs, ayant perdu la sensation de sécurité que m’avait procurée l’immense gardien devant Lune d’Argent. Et pourtant la curiosité insatiable me poussait dans la gueule du loup. Une faible pensée s’envola à propos de l’inquiétude que ma situation aurait provoquée chez ma mère, mais je me fis la promesse de conclure rapidement mon exploration avant de l’angoisser. J’arrivai devant deux imposantes bâtisses, qui présentaient toutes les caractéristiques de lieux d’études. L’une d’elles était plutôt discrète et je n’en distinguai que quelques mannequins d’entrainement comme ceux des soldats. L’autre en revanche voyait la moindre de ses ouvertures décorées de runes luisantes de magie. Des braséros aux flammes violacées étaient fixés çà et là, accentuant l’éclairage mystérieux de l’endroit. D’imposantes draperies diaphanes et filigranées étaient accrochées et s’entremêlaient au-dessus des balcons dans ce qui ressemblait à une toile d’araignée sans ordre ni structure réfléchie. La bouche ouverte d’étonnement, j’approchai de l’académie des arts occultes sans réaliser la stupidité de mon attrait.

Un groupe d’elfes étudiants discutait sur le parvis de l’édifice. Au vu de leurs traits encore juvéniles, même pour des elfes, certains ne devaient pas avoir plus de vingt ans. Ils étaient occupés à blaguer sur leurs enseignants et sur d’autres citoyens dont ils pouvaient se moquer en utilisant vilainement leurs pouvoirs. L’un d’eux m’aperçut alors que je gravissais les marches à quelques mètres d’eux. Me signalant à ses camarades, je me fis héler.


« Serais-tu perdu, petit ? Tu n’as pas l’âge et encore moins les capacités pour prétendre entrer à l’académie. »

Je me retournai, interloqué, pour voir le groupe me dévisager avec des expressions que je qualifierais aujourd’hui comme aussi intelligente qu’un orc. Des sourires niais et moqueurs étiraient leur visage. Je tentai de battre en retraite prudemment de quelques pas.

« Non, j’accompagnais ma mère et je me promenais, c’est tout. »

« Drôle d’endroit pour satisfaire sa curiosité, tu ne crois pas ? L’endroit est plutôt louche. Sais-tu comment il s’appelle ? »

Je hochai la tête.

« Définitivement, ce n’est pas une place pour un jeune garçon. Tu devrais rebrousser chemin et aller retrouver ta chère mère, avant qu’elle ne se fasse du mauvais sang. »

Nouveau hochement de tête, et je continuai à faire marche arrière lentement, comme si j’étais face à une bête sauvage plutôt dangereuse.

D’un seul coup, ma vision se fit distordre et les ombres bien présentes autour de moi commencèrent à s’agglomérer sur l’adolescent qui me parlait, telle une armure d’ombre. L’énergie opaque se concentra un moment autour de lui avant d’exploser dans une déferlante dans ma direction. Le souffle noir me percuta, mais glissa à travers moi comme un brusque vent en me laissant avec une impression de froid proche de celle d’un blizzard. Mon esprit paraissait congelé et figé sur une seule pensée résiduelle : j’étais terrorisé ! Je pris immédiatement mes jambes à mon cou. Ou du moins tentai-je de le faire. Des vrilles d’ombre avaient pris racines à mes pieds et s’enroulaient autour de mes chevilles telles des serpents, m’interdisant de faire le moindre pas. Mes yeux s’humidifièrent rapidement, de même que mes braies selon mes souvenirs… Et face à moi, le vil troupeau s’esclaffait à en mourir de rire.

Leur satisfaction fut cependant de courte durée. Arrivant d’un imposant manoir de l’autre côté de la rue, vint un elfe pâle et aux cheveux tout aussi dépigmentés, d’un blond presque blanc. Ayant assisté au spectacle il s’avança l’air furibond vers mes tourmenteurs. Une demi-cape longue était accrochée sur son épaule gauche et dissimulait le même côté de son corps sous ses plis. Mais à la pliure de son coude, il devait certainement agripper la poignée d’une arme sous cette cape. Le remarquant, ils cessèrent de rires uniquement pour se rebeller. La confrontation ne semblait pas les effrayer et ils se préparèrent à incanter, faisant luire leurs paumes d’auras arcaniques diverses.
Sans cesser d’avancer, leur future victime se contenta de lever son bras droit, paume vers le haut. Je fus alors pris d’une sensation étrange, comme l’équilibre précaire entre gravité et pression lorsque l’on plonge dans une eau profonde et que l’on s’apprête à se faire remonter contre notre gré à la surface. Je devais ainsi avoir ma première expérience du vol d’un effet magique : tout ce que mon corps et mon esprit subissaient par l’incantation des perfides étudiants se retourna contre l’un d’eux. Je me laissai tomber à genoux, libéré de mes entraves d’ombres, alors qu’un jeune elfe se mettait à hurler de peur en sentant ses membres étreints par les tentacules noires. Voyant cette contre-attaque magique, le groupe de racailles frémit d’un doute lorsqu’ils comprirent à quel genre d’adversaire ils avaient affaire. Ils tentèrent d’interrompre la préparation de leurs sorts mais trop tard. Par une magie maitrisée à un degré inouï, l’elfe provoqua l’embrasement du mana accumulé dans les jeunes sorciers. Ce ne fut guère plus qu’une étincelle, mais la brûlure magique fut assez puissante pour que tous se mettent à ramper au sol en se tortillant de douleur et suffoquant. J’étais toujours à genou, haletant, lorsque mon sauveur se dirigea vers moi, toujours impassible malgré sa victoire aisée.


« Viens mon garçon. Cet endroit est parfois mal fréquenté, il n’est pas sage d’y errer à ton âge. »

Il m’aida à me relever, et m’enveloppa les épaules sous sa demi-cape alors que je m’agrippais d’une main tremblante au tissu de son pantalon. Nous progressâmes lentement en rebroussant mon chemin et il m’escorta jusqu’à l’entrée du bazar. Plantée au milieu de la rue, je distinguai ma mère en train de faire la girouette en me cherchant du regard et en interrogeant les passants de ma description. Lorsqu’il me vit, elle prit un air effaré en courant pour nous rejoindre, s’agenouilla pour me serrer dans ses bras.

« Oh, Falrhen, tu m’as fait une peur bleue ! Tout va bien ? »

Je sentis un tremblement de la jambe à laquelle je m’agrippais toujours. « Il va bien Elensia, une altercation avec des étudiants, mais ils n’ont pas eu le temps de lui faire de mal. Cela ne sera qu’un mauvais souvenir. »

Ma mère tiqua et leva les yeux vers le visage de mon protecteur. Je vis ses paupières s’écarquiller un très bref instant et je n’en compris pas la raison. De soulagée, elle sembla virer à la gêne et aux larmes, mais se ressaisit avant de les laisser transparaitre. C’est avec une expression méfiante qu’elle me prit la main pour me faire lâcher le vêtement de mon nouveau gardien. Elle me serra plus fort contre elle, baisa le sommet de mon crâne puis se redressa en me tenant toujours la main. Pour ma part, mes tremblements s’étaient calmés et je ressentais une exaltation à la suite de cette mésaventure.

« Merci Ban'dinoriel (gardien de la porte)» trouvai-je la force de répondre, les mots ouvrant un chemin à travers ma gorge dénouée.

« Merci beaucoup sieur Faucon-Marchand, merci d’avoir protégé mon fils. Viens, Falrhen, rentrons. »

Elle semblait avoir curieusement insisté sur le possessif avant de parler de moi, mais je n’en remarquai rien à l’époque. En moi-même j’étais toujours sous l’admiration de mon sauveur et cet épisode, loin de m’avoir effarouché, ne me révélerait que plus hardi par la suite.
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