Un vieux journal

[Jilyana]

Lettre à ma fille.

Jaylini, ma fille,

A l'heure où j'écris ces lignes, je me suis résignée à te renvoyer dans ta famille paternelle.

Ici, en Quel'thalas, tu seras regardée comme une bête curieuse, montrée du doigt, voire pire encore. Je peux me tromper mais, là-bas, en Kalimdor, tout cela devrait t'être épargné.

Je vais te conter ici l'histoire de ta mère, mon histoire, et celle de ta naissance.

Puisse-tu me pardonner de t'avoir fait voir le jour dans ce monde haineux, et de t'y avoir abandonnée.

J'ai confié ce journal, ainsi que ton berceau, à ta grand-mère. Puisse-t-elle compléter ce que j'aurai omis.

Je t'aime, mon bébé.

Jilyana

[Jilyana]

La découverte

Etant petite, j'étais, on me le disait souvent alors, extrêmement curieuse de tout. J'éprouvais ce besoin impératif de savoir comment les choses fonctionnaient, et d'où elles venaient. En conséquence, je posais énormément de questions, questions qui faisaient parfois rougir mes interlocuteurs.

Bien entendu, les réponses ne me satisfaisaient pas toujours. Pas souvent, en fait. Aussi, sur le conseil avisé - et intéressé - d'un serviteur qui aurait donné le Soleil pour me faire taire, je découvrais assez tôt les livres et les bibliothèques.

Là, entre les feuilles de velin et les reliures qui couinaient doucement, et qui embaumaient le vieux cuir, je trouvais effectivement nombre de réponses à mes questions, réponses qui pour la plupart, dépassaient complètement la jeune elfe que j'étais alors, et qui surtout ouvraient la porte à une multitude d'autres questions.

Je finit par ne plus sortir de la bibliothèque familiale, jusqu'à l'avoir écumée.

Puis, je m'intéressais à la Grande Bibliothèque de Lune d'Argent.

Ne va toutefois pas croire que je n'étais qu'une wyrm de bibliothèque ! Non, j'étais une petite elfe active, la Légion au corps, comme disaient certains, dont les plus mauvaises langues me comparaient à une trollesse... En particulier les garçons de mon âge, que je rossais d'importance. Ce qui ne m'empêchait pas de me faire des amis.
Mais revenons à nos chatons.

Je m'aperçus vite que je ne pourrais faire le tour de la Grande Bibliothèque de la même façon que celle du domaine familial. Ce qui ne m'empêcha pas de me plonger avec passion dans les vieux ouvrages.

J'étais notemment passionnée d'histoires, qu'elles soient réelles ou de l'ordre de la légende. J'en lisais beaucoup, et écumait peu à peu les étagères de la bibliothèque au fil des années.

Jusqu'à ce qu'il ne me reste plus rien à lire. Tragédie !

Je me mis un temps à lire tout ce qui me passait sous la main, désoeuvrée que j'étais, même si mon entraînement martial occupait une bonne partie de mon énergie. C'est en lisant un traité d'herboristerie que j'entendais parler de la Réserve.

Je me renseignais : cette partie de la bibliothèque contenait des livres rares, trop fragiles ou exceptionnels pour être laissés à toutes les mains. Leur consultation, sur rendez-vous, était reservée aux chercheurs, ce qui excluait les petits elfes comme moi.

Mais il en aurait fallu beaucoup plus pour m'arrêter. J'ourdissais donc un plan en vue de la découverte des merveilles que contenait très certainement cette enclave proscrite.

[Jilyana]

Je traînais alors régulièrement avec une bande d'amis de mon âge. Je ne le savais pas alors, mais ce groupe allait rapidement devenir inséparable. Toujours est-il que, parmi eux, était Acadion. Fils de bonne famille, relativement discret, et très doué dans l'étude de la magie arcanique.

Et, chose qui nous rapprochait, bricoleur à ses heures.

Je lui "commandais" une babiole de petite taille, reproduisant le son d'un bris de glace. Une distraction qui me suffirait à passer discrètement dans la fameuse Réserve.

Une semaine plus tard, Arcadion me présentait son appareil. Simple et à usage unique. Silencieux comme à son habitude, il m'en décrivit le fonctionnement. Je lui savais gré de me passer les détails techniques.

Le soir venu, je me trouvais dans la Grande Bibliothèque, consultant un bestiaire de Khaz Modan avec une affection studieuse.

Mon dispositif était d'ores et déjà installé. Ainsi, lorsque les bibliothécaires annoncèrent la fermeture, j'errais dans les rayonnages. Pour être plus précise, je me cachais. En effet, le leurre était réglé pour s'activer une dizaine de minutes avant la fermeture. Je devais passer inaperçue durant ce laps de temps.

Après quelques minutes passées à appréhender un bibliothécaire trop zélé, j'entendis, ainsi que tous les occupants du bâtiment sans doute, comme une explosion de verrerie. Profitant de ce que tout le monde courait vers le drame factice, je me glissais dans la Réserve, et cherchait une cachette le temps que les employés et savants aillent se coucher.

Lorsque je fus certaine que c'était le cas, je sortis de mon placard, maudissant les araignées pour longtemps. Puis, munie d'un petit globe luminescent, je m'aventurais, les yeux pétillants, entre les rayonnages.

Mon désapointement fut à la hauteur de mes attentes : je ne comprenais rien à la plupart des titres ! Et les ouvrages intelligibles étaient soit cadenassés, soit ils traitaient de points de détail inintéressants...

J'étais terriblement déçue. D'autant que je m'aperçus que, si j'avais prévu l'entrée, je n'avais rien planifié pour la sortie. Mais je décidais de remettre ce détail à plus tard, et de poursuivre mes recherches.

Pour finir, j'ouvrais sans grande conviction un vieux grimoire, plus pour sa magnifique bien que déclinante facture, que pour son titre : Légendes Oubliées & Oubliables.

[Jilyana]

...Je passai beaucoup plus de temps que je n'y aurai pensé sur cet ouvrage.

A la façon des contes, il traitait d'un exode de notre peuple, les Quel'doreis, depuis un lointain continent.

L'exode, découvris-je plus loin, était en fait un exil. Exil que les "Biens-Nés" se virent signifier par leur propre peuple, les... Kaldoreis.

Ce fut la prime fois que je mes yeux se posaient sur ce mot.

Je ne risquai pas de l'oublier. Il allait changer ma vie.

Est-il utile de dire que je dévorai ce livre ?

Il racontait de nombreuses choses, plus ou moins farfelues, sur ces créatures, qui étaient présentées comme nos ancêtres : ils adoraient la Lune, vivaient en harmonie avec la nature, possédaient le pouvoir de revêtir des formes animales... Chez eux, les femmes assuraient la protection et la prêtrise, tandis que les hommes maintenaient cette symbiose avec la nature. Et ils vivaient dans les arbres, aussi. Je ne mis pas longtemps à rêver de survoler le Nordassil - l'arbre sacré qu'ils vénéraient - transformée en oiseau... Tant et si bien que j'en oubliai l'heure et l'endroit où je me trouvais alors...

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